La Turquie a abattu mardi un avion militaire russe qui avait, selon elle, violé son espace aérien à sa frontière avec la Syrie, provoquant une brusque escalade de la tension avec Moscou qui complique les efforts de formation d'une coalition antijihadiste mondiale.
L'appareil russe, un chasseur-bombardier de type Sukhoï Su-24, a été abattu par deux F-16 turcs et s'est écrasé dans l'extrême nord-ouest du territoire syrien, au nord de Lattaquié, théâtre depuis plusieurs jours de violents combats entre l'armée syrienne, soutenue par l'aviation russe, et des groupes rebelles.
Les deux pilotes ont pu s'éjecter avant le crash mais, selon des sources proches de l'opposition syrienne, l'un d'entre eux a été tué par des rebelles avant de toucher le sol. Le deuxième était toujours porté disparu, selon les mêmes sources.
Cet incident, le plus grave depuis le début de l'engagement russe aux côtés du président syrien Bachar al-Assad, intervient alors que le président français François Hollande doit tenter de convaincre cette semaine les Américains, et surtout les Russes, de muscler ensemble leur lutte contre les jihadistes après les attentats de Paris.
Moscou est le dernier soutien, avec l'Iran, au régime de Damas, alors que les Occidentaux et la Turquie exigent le départ immédiat du président Assad.
Le président russe Vladimir Poutine a vivement réagi à la perte d'un de ses avions militaires en dénonçant un "coup de poignard dans le dos qui nous a été porté par les complices des terroristes".
La Turquie a longtemps été accusée de complaisance pour les rebelles radicaux en guerre contre le régime de Damas mais a récemment rejoint la coalition antijihadiste.
"Notre avion, nos pilotes ne menaçaient nullement la Turquie", a-t-il souligné lors d'une conférence de presse. "Cet événement tragique va avoir des conséquences sérieuses sur les relations russo-turques", a ajouté le numéro 1 russe, "nous ne tolérerons jamais que des crimes comme celui d'aujourd'hui soient commis".
- Visite annulée -
Le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov a dans la foulée annoncé l'annulation de la visite qu'il devait faire mercredi en Turquie dans le cadre des pourparlers engagés à Vienne par les grandes puissances pour esquisser une solution politique au conflit syrien, qui a fait plus de 250.000 morts en quatre ans.
Il a également invité ses concitoyens à ne plus se rendre en Turquie, l'une de leurs destinations touristiques favorites.
"Le nombre de manifestations de terrorisme sur le territoire turc n'est pas moindre, selon nos estimations, qu'en Egypte. Nous déconseillons donc à nos concitoyens de se rendre en Turquie à des fins touristiques ou autres", a déclaré le ministre.
De son côté, le Premier ministre turc Ahmet Davutoglu a justifié sans hésiter le recours à la force par ses forces armées.
"Tout le monde doit savoir qu'il est de notre droit internationalement reconnu et de notre devoir national de prendre toutes les mesures nécessaires contre quiconque viole notre espace aérien ou nos frontières", a-t-il déclaré.
Dans une déclaration publiée sur son site internet, l'état-major turc a affirmé que le chasseur-bombardier russe avait clairement violé l'espace aérien turc et qu'il en avait été averti "dix fois en l'espace de cinq minutes". Ces avertissements ont été confirmés par le Pentagone.
Le ministère russe de la Défense a catégoriquement démenti les allégations turques. Il "se trouvait exclusivement dans l'espace aérien syrien", a-t-il assuré.
- 'Garder la tête froide' -
Immédiatement après l'incident, la Turquie a convoqué le chargé d'affaires russe à son ministère des Affaires étrangères à Ankara pour protester. La Russie a riposté de même en convoquant l'attaché militaire turc à Moscou.
Saisie par la Turquie qui en est membre, l'Otan a également convoqué en urgence une "réunion extraordinaire" programmée à 16h00 GMT pour examiner les circonstances de l'incident. "L'Otan suit la situation de près", a indiqué à l'AFP un de ses responsables.
"Nous devons tous garder la tête froide et rester calme", a déclaré le président du Conseil européen Donald Tusk sur son compte Twitter. La chef de la diplomatie européenne Federica Mogherini a pour sa part souligné la "nécessité d'éviter une escalade".
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