Deux jours après l'attaque meurtrière contre un grand hôtel à Bamako, les enquêteurs travaillaient "sur plusieurs pistes" dimanche, à la veille d'un deuil national de trois jours au Mali, qui sera également observé par solidarité par le Sénégal, la Mauritanie et la Guinée.
L'hôtel Radisson Blu a été attaqué vendredi matin par des hommes armés qui y ont retenu quelque 170 clients et employés. Les forces maliennes sont intervenues, avec l'appui d'agents de la Mission de l'ONU au Mali (Minusma), et d'agents français et américains, pour libérer plusieurs dizaines d'otages.
Selon un bilan "définitif" du gouvernement malien, l'attaque a fait 19 morts - 18 clients (dont 14 étrangers identifiés par les autorités de leurs pays) et un gendarme malien - et deux assaillants ont été tués. La Minusma a évoqué samedi "22 personnes tuées, dont deux assaillants", tandis que deux sources militaire et policière maliennes ont parlé à l'AFP de 27 morts sans compter les assaillants.
Depuis la fin de l'assaut, les enquêteurs passent au peigne fin le Radisson Blu à la recherche d'indices. Selon des sources de sécurité et des employés, ils ont déjà récupéré de nombreuses douilles de balles dans l'établissement, toujours sous forte surveillance des forces maliennes, incluant des tireurs d'élite sur les toits.
"Nous sommes sur plusieurs pistes", a déclaré dimanche à l'AFP une source policière malienne, ajoutant que "des objets récupérés" à l'intérieur de l'hôtel "donnent des indications", sans en dire plus.
Trois personnes soupçonnées d'être impliquées dans l'attaque - revendiquée par le groupe jihadiste de l'Algérien Mokhtar Belmokhtar, "avec la participation" d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) - sont "activement" recherchées, selon une source de sécurité malienne.
Une autre source au sein du renseignement malien a parlé à l'AFP de "trois à quatre complices", pouvant être des Maliens, qui auraient aidé les assaillants, "des étrangers" à la peau noire - de nationalité indéterminée -, à se fondre dans la population avant qu'ils exécutent leur opération.
De même source, "tout porte à croire que les deux étrangers sont allés de bar en bar pour ne pas être remarqués, et à l'aube (du vendredi), des Maliens pourraient les avoir guidés dans l'attaque du Radisson", hôtel chic fréquenté par des diplomates, des hommes d'affaires et des expatriés.
Le chanteur guinéen Sékouba Bambino Diabaté, rescapé de l'attaque, a affirmé ne pas avoir vu les assaillants mais les avoir entendus communiquer en anglais entre eux, sans être en mesure de pouvoir identifier leur accent.
Selon le ministre français de la Défense Jean-Yves Le Drian, Mokhtar Belmokhtar, recherché et plusieurs fois donné pour mort, est toujours en vie. "Il circule", a-t-il dit. Le jihadiste algérien est soupçonné de séjourner en Libye.
- "Le Mali ne sera jamais seul" -
Quarante-huit heures après le raid meurtrier au Radisson Blu, des mesures de sécurité ont été renforcées aux abords des grands hôtels. Un renforcement de sécurité plus discret était également visible devant des mairies d'arrondissement et des banques.
Le président sénégalais Macky Sall, dont un compatriote a été tué dans l'attaque, a effectué dimanche une visite de quelques heures à Bamako pour, a-t-il expliqué, exprimer au Mali le soutien de son pays, mais aussi de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest qu'il préside.
"Le Mali ne sera jamais seul dans ce combat, nous sommes tous engagés parce que nous sommes tous concernés", a-t-il dit.
Lors d'une conférence de presse commune avec le président malien Ibrahim Boubacar Keïta, il a annoncé que le Sénégal, la Guinée et la Mauritanie, tous voisins du Mali, observeront trois jours de deuil national, en même temps que les Maliens, en mémoire des victimes de l'attaque.
La décision a été prise en concertation avec les présidents guinéen Alpha Condé et mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz, a précisé Macky Sall.
Le deuil national sera observé de lundi à mercredi au Mali.
Dès samedi, les rues de Bamako avaient renoué avec leurs activités habituelles. Et dimanche, les bruyants cortèges de mariages étaient visibles dans la capitale, en dépit de l'état d'urgence en vigueur interdisant théoriquement tout rassemblement.
Plusieurs ressortissants étrangers à Bamako ont confié avoir décidé d'éviter provisoirement les lieux pouvant être des cibles potentielles, d'autant que le Mali est toujours confronté à l'activisme jihadiste.
Le nord du pays était tombé en mars-avril 2012 sous la coupe de groupes jihadistes liés à Al-Qaïda. Ils en ont été en grande partie chassés par l'intervention militaire internationale lancée en janvier 2013 à l'initiative de la France, qui se poursuit. Mais des zones entières échappent encore au contrôle des forces maliennes et étrangères. Les attaques jihadistes se sont étendues depuis le début 2015 vers le centre, puis le sud du pays.
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