Une semaine après les attentats, le Parlement a donné son feu vert vendredi, par un vote quasi unanime du Sénat, à la prolongation pour trois mois de l'état d'urgence et au renforcement de ce régime d'exception.
Le Sénat, à majorité de droite, a adopté le projet de loi annoncé lundi par François Hollande, par 336 pour et 12 abstentions (11 communistes et 1 écologiste), lors d'un scrutin demandé directement - fait exceptionnel - par le président du Sénat Gérard Larcher (Les Républicains).
L'Assemblée avait aussi donné massivement son imprimatur jeudi, par 551 voix pour, 6 contre (3 PS, 3 écologistes) et une abstention (PS).
Manuel Valls a annoncé dans la soirée, via un tweet, que cette loi, modifiant la législation de 1955 qui a créé l'état d'urgence, était "promulguée" et serait applicable dès samedi. Elle s'appliquera tant en métropole qu'en outre-mer.
Face aux sénateurs, traditionnels gardiens des libertés publiques, le Premier ministre a dit sa réticence à saisir au préalable le Conseil constitutionnel sur ce texte, souhaitant "aller vite" et voulant éviter le "risque" que les Sages fassent "tomber" des perquisitions ou assignations en cours.
Le président de la commission des Lois du Sénat, Philippe Bas (Les Républicains), ainsi que Guillaume Arnell pour le groupe RDSE (à majorité PRG) l'avaient invité à cette saisine pour "lever l'interrogation" sur son respect de la loi fondamentale.
Devant un hémicycle à demi rempli, le chef du gouvernement a annoncé que le bilan des attentats de Paris et Saint-Denis s'était alourdi à 130 morts, à la suite du décès d'un blessé hospitalisé, appelant les sénateurs au même message "d'union sacrée" et "de très grande force" qu'à l'Assemblée.
Le président des sénateurs Les Républicains, Bruno Retailleau, a apporté son soutien "sans aucune réserve", l'ancien garde des Sceaux Michel Mercier a jugé au nom du groupe centriste (UDI-UC) que celui-ci "s'imposait à tous les républicains".
- 'L'Etat de droit n'est pas un Etat faible' -
La prorogation est "indispensable" mais "ne suffit pas à elle seule", a estimé Didier Guillaume, chef de file des sénateurs socialistes, appelant l'Europe à "prendre ses responsabilités".
"L'Europe prend trop de temps à traiter les questions urgentes" et "cela suffit", a abondé le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve, de retour d'une réunion extraordinaire à Bruxelles avec ses homologues.
Pour sa part, Corinne Bouchoux, présidente du groupe écologiste, a assuré que "c'est malgré nous que nous vot(ons) ce texte rendu inévitable". Seule Esther Benbassa (EELV), pour qui "l'Etat de droit n'est pas un Etat faible", s'est abstenue.
A la différence des députés Front de gauche qui avaient tous voté pour, les sénateurs du groupe Communiste, républicain et citoyen (CRC), se sont partagés entre 8 pour et 11 abstentions. Leur présidente Eliane Assassi a cependant appelé à ne pas céder "aux facilités de la rhétorique martiale" et à ne pas "réduire nos libertés", "projet politique et idéologique de Daech".
Enfin, le sénateur FN David Rachline a approuvé le projet de loi, regrettant qu'il y manquait "deux sujets fondamentaux: les frontières et l'immigration".
Outre la prorogation de l'état d'urgence jusqu'à fin février, le texte adapte la loi de 1955 en prévoyant notamment l'élargissement des assignations à résidence aux personnes dont le comportement paraît constituer une menace pour la sécurité et l'ordre public, ou la dissolution de groupes radicaux chapeautant mosquées et lieux de prières extrémistes.
D'autres mesures importantes ont été ajoutées jeudi à l'Assemblée: possible recours au bracelet électronique pour certains assignés à résidence, éventuel blocage par le ministre de l'Intérieur de sites internet et réseaux sociaux faisant l'apologie ou incitant à des actes terroristes.
Ce projet de loi constitue une première étape avant une réforme constitutionnelle prévue dans les trois mois pour instaurer un "régime civil de crise".
Cette réforme s'annonce plus délicate à mener. La coprésidente du groupe écologiste à l'Assemblée, Cécile Duflot, a indiqué vendredi qu'elle n'y était pas favorable. Le Front de gauche l'a aussi rejetée, car nul besoin d'une "refondation sécuritaire et autoritaire de la République".
Le président du Sénat a écrit à François Hollande pour "savoir" son projet, qu'il regardera "sereinement", a-t-il dit à l'AFP.
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