Moins d'une semaine après les attentats, l'Assemblée quasi unanime a voté jeudi le prolongement pour trois mois de l'état d?urgence et le renforcement de ce régime d'exception, indispensable face au terrorisme selon l'écrasante majorité, mais source d'inquiétudes pour les libertés chez certains.
Fait rarissime, le projet de loi, annoncé lundi par François Hollande, a été adopté par 551 voix, contre seulement 6 (3 PS, 3 écologistes) et une abstention (PS), après une séance non stop de près de cinq heures et l'examen d'une soixantaine d'amendements.
Par cet affichage d'unité nationale, la France "envoie un message très clair aux terroristes: nous sommes debout, nous vous combattons dans cette guerre et nous vous anéantirons", a affirmé Manuel Valls.
Au cours des débats, le Premier ministre a salué la mort de "l'un des cerveaux" des attentats de Paris, Abdelhamid Abaaoud, lors d'un assaut spectaculaire des forces de police mercredi à Saint-Denis.
Le projet de loi est désormais dans les mains des sénateurs, qui devraient le voter conforme vendredi grâce à des gestes en direction de la droite et du centre, et ainsi permettre son adoption définitive. Il devrait être promulgué d'ici mercredi.
Le texte proroge l'état d'urgence en métropole et outre-mer jusqu'à fin février. La droite aurait souhaité une prolongation plus longue (six mois), certains écologistes plus courte (deux mois).
Il modifie aussi la loi de 1955 sur l'état d'urgence pour "l'adapter", en prévoyant notamment l'élargissement des assignations à résidence aux personnes dont le comportement paraît constituer une menace pour la sécurité et l'ordre public, ou la dissolution de groupes radicaux chapeautant mosquées et lieux de prières extrémistes.
D'autres mesures importantes ont été ajoutées dans l'hémicycle: le possible recours au bracelet électronique pour certains assignés à résidence, et l'éventuel blocage par le ministre de l'Intérieur de sites internet et réseaux sociaux faisant l'apologie ou incitant à des actes terroristes.
Le projet de loi constitue une première étape avant une réforme constitutionnelle espérée dans les trois mois pour instaurer un "régime civil de crise".
- 'Corde raide' entre sécurité et libertés -
Parlant d'une "guerre nouvelle", Manuel Valls a appelé à ne "rien exclure", notamment "le risque d'armes chimiques ou bactériologiques", devant un hémicycle quasi comble.
Il a en outre annoncé la création d'une nouvelle structure pour "jeunes radicalisés", dont le site sera "choisi d?ici la fin de l?année".
Tous les groupes politiques ont soutenu le projet de loi, porteur d'un "équilibre efficace et juste", selon Pascal Popelin (PS), et de "réponses urgentes et immédiates", d'après Eric Ciotti (Les Républicains). Le groupe LR a toutefois regretté le rejet de propositions LR pour "l'expulsion des étrangers fichés" S, de possibles contrôles d'identité par les policiers municipaux, ou d'une légitime défense pour les policiers.
Jean-Christophe Lagarde (UDI) a jugé que ce vote "n'épuise pas le débat" et appelé à "construire ensemble ces armes de défense pour la France".
Mais "nous avançons sur une corde raide" entre sécurité et libertés, a relevé l'écologiste Cécile Duflot. Trois députés de son groupe, Sergio Coronado, Isabelle Attard et Noël Mamère, ont voté contre un texte s'inscrivant selon ce dernier dans le "virage sécuritaire pris par le président de la République".
Les socialistes Pouria Amirshahi, Gérard Sebaoun et Barbara Romagnan se sont aussi prononcés contre cette "précipitation" à "délibérer d?une restriction sévère de nos libertés publiques".
Le texte "sort radicalement de l'ordinaire", mais entend ne pas "céder à la tentation de l'arbitraire" ayant pu prévaloir aux Etats-Unis après le 11 septembre 2001, avait plaidé en préambule le rapporteur, Jean-Jacques Urvoas (PS).
Satisfait de l'adoption de son amendement sur le blocage des sites, identique à une proposition des centristes et soutenu par certains socialistes, Roger-Gérard Schwartzenberg (radicaux de gauche) s'est réjoui "que cette unité de l'Assemblée nationale soit à la mesure de la gravité des événements".
Pour le Front de gauche, André Chassaigne a dit oui à "un régime d'exception limité à trois mois", tout en admettant que "certaines évolutions nous préoccupent".
En commission, les députés avaient prévu un contrôle du Parlement sur les mesures gouvernementales durant l'état d'urgence, et supprimé la possibilité de justice militaire.
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