"Bettencourt Boulevard" n'est pas du théâtre documentaire et pourtant en donnant à voir l'intimité des perfides qui entourent la femme la plus riche de France, la pièce se veut "une clarification" de l'affaire qui finit par donner la nausée.
C'est une des plus attendues de cette rentrée théâtrale. Écrite par Michel Vinaver, 88 ans, elle est jouée à partir de jeudi au TNP de Villeurbanne, avant de tourner à La Colline à Paris puis à la Comédie de Reims. La première sera même retransmise en direct et gratuitement sur le site Mediapart, à l'origine de nombreuses révélations sur l'affaire.
Mais "qu'est-ce que le théâtre vient faire dans cette histoire ?", demande le personnage du journaliste sur scène, aux faux airs de Fabrice Arfi.
Il permet une "clarification de l'affaire", répond le metteur en scène et directeur du TNP, Christian Schiaretti. D'abord parce qu'il donne une vue d'ensemble en réunissant sur scène tous les protagonistes. Mais surtout, en imaginant les échanges entre Liliane Bettencourt et sa cour, la pièce donne à voir l'opportunisme sans vergogne et l'argent sans limite.
"L'argent a quelque chose de magique dans cette histoire car il est infini", s'amuse Michel Vinaver. Ainsi, lorsque Liliane Bettencourt se prépare à aller à New York au vernissage d'une exposition de François-Marie Banier, "un Boeing séparé partira de Reims pour le champagne", ironise une femme de chambre.
Au point que le spectateur, d'abord amusé, finit par en avoir la nausée.
-- "Une contre-histoire de France" --
Le spectacle, peut-être un peu long, se découpe en 30 séquences. Sur scène une multitude de sièges blancs et des panneaux monochromes donnent une ambiance feutrée aux allées et venues autour de Liliane Bettencourt. "Monsieur Sarkozy, vous connaissez le chemin jusqu'au petit salon"
Les acteurs sont bluffants même s'il n'y a eu aucune volonté d'imitation: "on reste allusif", "ils ressemblent un peu mais pas complètement", commente le metteur en scène. Francine Bergé, maigrissime dans son chemisier de soie rouge, est Liliane Bettencourt;Jérôme Deschamps, directeur de l'Opéra Comique, joue le gestionnaire de fortune Patrice de Maistre et Didier Flamand le dandy intrigant, François-Marie Banier.
"Je ne joue pas Liliane Bettencourt, je joue la vision qu'a Michel Vinaver de Liliane Bettencourt", précise d'ailleurs Francine Bergé.
Mais l'écriture percutante et bien sentie de Vinaver leur donnerait presque un côté plus vrai que nature, à coups de ces petites phrases qui animent le microcosme médiatico-politique. Comme lorsque le personnage de Nicolas Sarkozy lance: "j'ai la réputation d'un machinateur mais pas du tout". Ou quand celui d'Eric Woerth, alors ministre du Budget, explique à sa femme que "la perfection est un fardeau lourd à porter". Et le spectateur d'imaginer la tête des vrais protagonistes.
Au-delà de cette saga, Michel Vinaver, en sous-titrant sa pièce "Une histoire de France", a voulu lui donner un goût d'éternité. D'ailleurs, la grande Histoire est convoquée sur scène par les rôles d'Eugène Schueller, chimiste de talent, fondateur de l'Oréal proche de l'extrême droite et père de Liliane; et du rabbin Robert Meyers, grand-père du mari de Françoise Bettencourt-Meyers, déporté à Auschwitz.
Car au-delà des faits immédiats, "c?est de la France qu?il s?agit", "une histoire de France donc, ou plutôt une contre-histoire de France avec ses mémoires meurtries, ses gloires égarées, ses richesses dilapidées, ses oligarchies avides, ses politiques sans scrupules? Sans compter son peuple inquiet dont l?alarme chemine par le détour d?une domesticité révoltée", juge le journaliste Edwy Plenel, cofondateur de Mediapart, qui avait suggéré à Michel Vinaver d'écrire la pièce.
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