Les dépenses sécuritaires annoncées par l'exécutif après les attentats sanglants de vendredi remettent en cause les engagements budgétaires de la France, qui devait ramener son déficit à moins de 3% en 2017, même si l'ampleur du dérapage n'est pas encore chiffrée.
"Le pacte de sécurité l'emporte sur le pacte de stabilité", a prévenu lundi François Hollande, en annonçant la création de 5.000 postes de policiers et gendarmes et le gel de 9.200 suppressions de postes de militaires prévues entre 2017 et 2019.
"Ces décisions budgétaires seront prises dans le cadre de la loi de finances pour 2016. Elles se traduiront par un surcroît de dépenses que j'assume", a ajouté le chef de l'Etat, laissant entendre que la réduction du déficit promise à Bruxelles ne serait pas respectée.
Un message répété mardi matin - en des termes plus directs - par Manuel Valls, qui a assuré que les objectifs budgétaires "seront forcément dépassés".
"Nous devons donner tous les moyens () à la police, à la gendarmerie ainsi qu'aux services de renseignement", a déclaré le Premier ministre sur France Inter, en précisant que ces dépenses ne se feraient pas "au détriment des autres budgets".
"Il est temps aussi que l'Union Européenne, la Commission européenne comprenne que c'est un combat qui concerne la France mais aussi l'Europe. Nous sommes intervenus au Mali pas seulement pour le Mali, pas simplement pour la France", a-t-il insisté.
Le gouvernement a promis à ses partenaires européens de ramener son déficit public de 3,8% du PIB cette année à 3,3% en 2016, puis à 2,7% en 2017, date à laquelle il s'engageait jusque-là à revenir "dans les clous" du pacte de stabilité européen.
Ce "pacte", adopté en 1997, prévoit que les membres de la zone euro maintiennent un déficit public inférieur à 3% de leur PIB, un objectif que la France n'a toujours pas réussi à atteindre sept ans après la crise financière de 2008.
- Un message 'politique' -
Quelle sera l'ampleur du dérapage induit par ces nouvelles dépenses? Sera-t-il de nature à remettre en cause la trajectoire fixée par le gouvernement ? Interrogé lundi soir, Bercy a avancé le chiffre de quelques "centaines de millions d'euros".
"C'est bien un surcoût. Malgré tout, cela reste compatible avec nos équilibres et ne remet pas en cause nos engagements européens", a ajouté Bercy. Un message maintenu mardi matin par le ministère après l'intervention de Manuel Valls.
Selon des experts interrogés par l'AFP, le dérapage budgétaire lié à ces nouvelles mesures devrait être compris entre un et deux milliards d'euros au maximum en 2016. Soit l'équivalent de 0,05% à 0,1% du PIB.
"Les effectifs annoncés sont importants, mais en termes de masse salariale, le coût ne sera pas énorme. Ca ne va pas remettre en cause la trajectoire de réduction du déficit public", estime pour sa part Mathieu Plane, économiste à l'OFCE.
Qu'en sera-t-il en cas d'intervention militaire de plus grande ampleur en Irak ou en Syrie? Voire dans d'autres pays considérés comme des bases arrières du terrorisme?
"Le message du gouvernement est avant tout politique. C'est de rappeler à Bruxelles que la France prend en charge des dépenses de sécurité qui concernent toute l'Europe, et qu'avec les attentats, la donne a changé", ajoute le chercheur.
Un message dont a pris acte la Commission européenne, qui s'était dite sceptique en début de mois sur la capacité de la France à ramener son déficit sous la barre des 3% du PIB en 2017.
"Les règles du pacte de stabilité n'empêchent pas les Etats de définir leurs priorités. Nous comprenons ce qu'est la priorité à la sécurité", a dit mardi Pierre Moscovici, commissaire européen aux Affaires économiques.
Le pacte "n'est ni rigide, ni stupide () Il est capable de faire face à bien des situations", a-t-il poursuivi. Une attitude une nouvelle fois conciliante vis-à-vis de Paris, qui a déjà bénéficié de multiples sursis de Bruxelles ces dernières années.
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