"Une atteinte d'une extrême gravité aux valeurs () républicaines": le tribunal correctionnel de Paris a condamné vendredi l'ancien bras droit de Nicolas Sarkozy Claude Guéant à deux ans de prison avec sursis au procès des primes en liquide du ministère de l'Intérieur.
L'ancien secrétaire général de l'Elysée est également condamné à 75.000 euros d'amende et cinq ans d'interdiction de toute fonction publique.
Le tribunal correctionnel a également condamné à dix mois avec sursis l'ex-directeur général de la police nationale Michel Gaudin. Les avocats de Claude Guéant et de Michel Gaudin ont annoncé qu'ils allaient faire appel.
"Ces faits commis au sommet de la hiérarchie du cabinet ministériel par un éminent représentant du pouvoir exécutif dont les fonctions exigent une probité irréprochable, portent une atteinte d'une extrême gravité à l'ordre public", a dénoncé le tribunal dans son jugement.
"Ils constituent en outre une atteinte aux valeurs de la démocratie républicaine et à la transparence de la vie publique, participant de la défiance que les citoyens peuvent nourrir à l'égard de la politique, des institutions et de ceux qui les gouvernent", a-t-il ajouté.
L'un des avocats de Claude Guéant, Jean-Yves Dupeux, a dénoncé un jugement "très sévère et assez injuste" et l'interdiction de toute fonction publique comme la peine "la plus humiliante". "Mon client est très affecté, mais le fait qu'il veuille faire appel démontre qu'il est toujours combatif", a-t-il ajouté.
Trois anciens membres du cabinet également jugés dans cette affaire, Michel Camux, Daniel Canepa et Gérard Moisselin, ont pour leur part été condamnés à 8 mois de prison avec sursis et respectivement à 40.000 euros, 30.000 euros et 20.000 euros d'amende.
L'ensemble des prévenus a en outre été condamné à solidairement rembourser à l'Etat l'argent indûment perçu.
- 'Une volonté d'enrichissement' -
L'affaire porte sur des primes en espèces que se versaient chaque mois des membres du cabinet de Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur, et qui étaient prélevées sur une enveloppe destinée aux frais d'enquête et de surveillance (FES) des policiers.
La procédure vise un montant global de 210.000 euros (10.000 euros par mois) remis entre 2002 et 2004 par Michel Gaudin à Claude Guéant, qui en a gardé la moitié et reversé le solde à ses trois collaborateurs.
Claude Guéant était poursuivi pour "complicité de détournement de fonds publics et recel", Michel Gaudin pour "détournement de fonds publics" et les trois membres de cabinet pour "recel".
Pour le tribunal, Claude Guéant a fait le choix de restaurer à partir de 2002 "des pratiques anciennes et opaques () auxquelles la réforme Jospin intervenue quelque mois plus tôt avait manifestement pour objet de mettre fin dans un souci évident de moralisation et de transparence de la vie publique".
Lionel Jospin, alors Premier ministre, avait en effet supprimé en 2001 les fonds spéciaux qui avaient servi au versement de primes de cabinet non-déclarées. Des indemnités de sujétions particulières (ISP), inscrites sur les fiches de paie, avait été mises en place en remplacement.
Claude Guéant a expliqué à l'audience avoir puisé dans l'enveloppe des frais d'enquêtes pour compenser l'insuffisance des ISP. Il a ainsi perçu chaque mois pendant deux ans outre son salaire de 8.000 euros, une ISP de 2.200 euros et 5.000 euros de FES.
"Haut fonctionnaire de l?État () il a, dans une volonté d'enrichissement de lui-même et de ses plus proches collaborateurs, volontairement transgressé les lois de la République et détourné des fonds publics", a fustigé le jugement en dénonçant "un mépris assumé de la loi".
Les juges ont estimé que Michel Gaudin avait "parfaitement conscience de l'objet des fonds remis" à Claude Guéant et avait agi par "fidélité, proximité amicale professionnelle ou politique".
"On a l'impression que pour cette juridiction, mon client a commis une infraction de camaraderie. Mais cela n'existe pas dans le code pénal", a ironisé l'avocat de Michel Gaudin, Me Philippe Dehapiot.
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