Le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, dévoile vendredi un plan en vingt mesures pour lutter contre le trafic d'armes permettant aux enquêteurs d'infiltrer les trafiquants et incitant les "citoyens" à déposer celles cachées sous l'oreiller.
Ce plan interministériel "ferme et résolu", selon la place Beauvau, avait été annoncé mi-septembre après une énième fusillade à Marseille.
Il comprend, selon l'Intérieur, des volets "opérationnel", de renseignement et de renforcement de la coopération européenne, ainsi que l'avait précisé le Premier ministre mi-septembre.
Manuel Valls avait déjà annoncé que les enquêteurs pourraient réaliser des "coups d'achat" (jouer le rôle d'un acheteur potentiel) comme cela se pratique pour les stupéfiants et recourir plus facilement à la géolocalisation et aux perquisitions.
Cet aspect est précisé dans le troisième volet du plan - qui en comprend cinq, selon un document le détaillant que s'est procuré l'AFP - consacré à l'évolution de la réglementation.
Il s'agit de "placer la lutte contre le trafic d'armes au même rang de priorité" que celle contre le trafic de stupéfiants. Et avec les mêmes méthodes d'infiltration.
"Notre pays déplore 1.800 décès par arme à feu chaque année", dit en préambule de ce plan l'Intérieur. Il y a chaque année, selon lui, près de 5.000 armes saisies en France, 5.300 pour la seule année 2014, "dont près de 175 armes de guerre" telles des Kalachnikov.
Beauvau ajoute qu'"en marge du marché légal et des quatre millions d'armes détenues officiellement par les Français", un "important trafic en provenance des Etats de l'Union européenne (UE) et de pays tiers" s'est "développé".
Ce trafic dispose "d'arsenaux de guerre tombés aux mains de civils ou d'organisations mafieuses", notamment "à la suite de l?effondrement du bloc soviétique" et des guerres dans les Balkans.
- Armes dans des cités sensibles -
L'Intérieur évoque également la différence de législation entre pays membres de l'UE, les "nouvelles connexions entre le milieu des collectionneurs et la grande délinquance". Et cite la vente sur internet qui prolifère, comme le confirme à l'AFP le chef de l'Office central de lutte contre le crime organisé de la PJ française, Frédéric Doidy. "En pièces détachées", assure-t-il.
M. Doidy pointe également la présence d'armes à feu dans des cités sensibles de Marseille ou de Seine-Saint-Denis où ont eu lieu plusieurs règlements de comptes sur fond de trafic de drogue.
Il était d'urgent d'agir, dit en substance Beauvau, et le plan engagé par Bernard Cazeneuve doit être détaillé par lui vendredi après-midi lors d'un déplacement au commissariat de police et à la préfecture de Nanterre (Hauts-de-Seine).
Le premier volet vise à "renforcer la connaissance des filières" avec un outil statistique et de meilleures collecte du Renseignement et formation des policiers, gendarmes et agents des préfectures.
Le second entend "renforcer l'action ciblée" des services d'enquête afin de "déstabiliser les filières". On enquêtera sous pseudonyme sur internet avec des "cyberpatrouilles". On frappera sur les axes routiers empruntés par les filières et aux zones portuaires - comme Marseille - et aéroportuaires.
Il faudra aussi "développer des actions de contrôle ciblées dans les quartiers sensibles" et "définir une stratégie de visites des parties communes" ou "locaux inoccupés" avec des chiens spécialisés.
Le développement de la "coopération" est envisagé dans le quatrième volet, notamment le renforcement de la lutte au niveau européen et la création d'une unité dans les Balkans pour détecter les Français qui s'y approvisionnent.
Une invitation aux "citoyens" à "restituer" aux forces de l'ordre leurs "armes irrégulièrement détenues" est envisagée dans le dernier volet. Comme cela s'est fait aux Antilles, en 2013 et 2014, à la suite de fusillades.
"On attendait ces mesures", a dit M. Doidy, "cela va dans le bons sens".
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