Le chef de l'armée birmane a "félicité" mercredi l'opposante Aung San Suu Kyi pour avoir remporté la "majorité" au parlement et le gouvernement a promis un transfert de pouvoir "pacifique", avant même la publication des résultats définitifs.
"Nous félicitons la Ligue nationale pour la démocratie (LND) pour sa majorité remportée aux élections", a déclaré le général Min Aung Hlaing dans un communiqué publié dans la soirée à l'issue de ce scrutin historique.
"En tant que gouvernement, nous nous soumettrons au choix des électeurs et nous transfèrerons le pouvoir pacifiquement", avait annoncé un peu plus tôt le ministre de l'Information Ye Htut dans un communiqué.
"La Ligue nationale pour la démocratie l'a emporté dans de nombreux endroits, félicitations pour cela", a-t-il ajouté, précisant que des "discussions" auraient lieu après la publication des résultats définitifs.
Aung San Suu Kyi avait amorcé le mouvement en appelant à des pourparlers "la semaine prochaine" avec le président et le chef de l'armée, héritiers de la junte l'ayant confinée pendant plus de 15 ans en résidence surveillée.
Le président, saluant des élections qui se sont déroulée "pacifiquement", lui a proposé en retour une rencontre en tête-à-tête. Le chef de l'armée lui a également proposé une entrevue.
Malgré des résultats tombant au compte goutte, la LND, s'approchant de la barre des 67% nécessaires pour obtenir une majorité, a déjà raflé 179 des 323 sièges à la chambre basse du Parlement (contre 17 à l'USDP, le parti au pouvoir), selon le dernier décompte.
La lauréate du prix Nobel de la Paix, icône dans son pays, a été réélue députée dans sa circonscription rurale de Kawhmu, un siège décroché lors de législatives partielles en 2012. Ce scrutin avait donné lieu à un raz-de-marée pour la LND et été un premier test démocratique pour le régime de transition.
Les soupçons se sont multipliés autour de la lenteur possiblement délibérée de la commission électorale, dans ce pays où l'administration reste largement dominée par des fonctionnaires au passé militaire.
- Alternance en marche -
Mais, avec l'adoubement désormais du président et du chef de l'armée, l'alternance historique est en marche.
Le président français François Hollande a eu une conversation téléphonique avec l'opposante, rappelant que "la France restait très attentive au respect de la volonté du peuple birman".
La stratégie de la LND ces derniers jours a été de laisser au gouvernement post-junte le temps de "digérer la nouvelle", sans mettre d'huile sur le feu, dans ce pays d'Asie du Sud-Est où "faire perdre la face" à son adversaire en fanfaronnant est considéré comme une erreur stratégique.
D'où l'extrême prudence avec laquelle man?uvre jusqu'ici Aung San Suu Kyi, évitant les apparitions publiques et faisant démonter l'écran géant et les hauts-parleurs devant le siège de son parti.
Les partisans de "la Dame de Rangoun", qui étaient descendus dans la rue en nombre dimanche et lundi pour célébrer la victoire, respectent jusqu'ici la consigne de rester chez eux.
Et la vie a repris son cours à Rangoun, dans l'attente des résultats. Mais leur annonce permettra à Aung San Suu Kyi de donner le feu vert à une explosion de liesse populaire contenue depuis des années.
Suu Kyi s'apprête à reprendre le chemin de Naypyidaw, à cinq heures de Rangoun, pour la reprise de la session parlementaire lundi, qui lui fournira l'occasion de rencontrer discrètement le président Thein Sein.
En effet, bizarrerie du système politique birman, l'assemblée sortante va se réunir à partir de lundi, Aung San Suu Kyi et sa quarantaine de députés de la LND se retrouvant coincés jusqu'à fin janvier dans le rôle d'opposition parlementaire, face aux 331 députés de l'USDP pro-pouvoir.
L'USDP avait été créé par la junte en 2010, un an avant l'autodissolution du régime, comme une plate-forme de transition. Mais le parti reste une formation de fonctionnaires, sans véritable assise populaire. Plusieurs de ses dirigeants ont déjà reconnu à titre personnel la victoire de la LND.
Le nouveau Parlement n'entrera en fonction que début 2016, sans doute en février ou mars. Viendra alors le temps du lancement des réformes par Aung San Suu Kyi et son équipe.
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