La Russie, accusée de "dopage organisé", semble donner de premiers gages mercredi, à deux jours de sa possible suspension de toute compétition d'athlétisme: elle s'est dit prête à nommer un "spécialiste étranger" à la tête du laboratoire antidopage de Moscou, dont le directeur a démissionné.
"Nous sommes tout à fait ouverts et même prêts si nécessaire à nommer un spécialiste étranger à la tête de ce laboratoire à l'issue de consultations avec l'Agence mondiale antidopage (AMA)", a indiqué le ministre des Sports Vitali Moutko à l'agence de presse R-Sport.
Moutko doit participer mercredi à une réunion très attendue, à Sotchi, entre les responsables sportifs du pays et le président Vladimir Poutine.
L'ancien directeur du laboratoire moscovite au centre des soupçons, Grigori Rodtchenkov, a démissionné tard mardi soir, en tout cas officiellement. Il est le premier responsable à payer les pots cassés dans ce scandale sans précédent mêlant dopage et corruption et remontant jusqu'aux plus hautes sphères du pays.
Dans son rapport publié lundi, qui a déclenché le scandale, l'AMA accusait Rodtchenkov d'être au coeur d'un système généralisé de dopage, qui incluait la destruction des tests positifs aux produits dopants.
Dans ce contexte de soupçons généralisés contre la Russie, Vladimir Poutine doit présider mercredi une réunion des dirigeants des fédérations sportives, à Sotchi où ont été organisés les JO d'hiver 2014. But de cette réunion, programmée de longue date: parler de la préparation des sportifs russes pour les JO de 2016.
Cette rencontre est cependant retardée par des précipitations exceptionnelles qui empêchent pour le moment les responsables des fédérations de rejoindre M. Poutine, déjà à Sotchi.
Pour la Russie, le temps presse: la Fédération internationale d'athlétisme (IAAF) se réunira vendredi pour statuer sur une éventuelle suspension du pays de toute compétition, qui pourrait à terme le priver des JO-2016 de Rio. Une solution radicale pour laquelle plaide la commission d'enquête indépendante de l'AMA.
- 'Souiller l'image' du pays -
Une suspension de la Russie des JO-2016 viserait à se débarrasser d'un "concurrent important" et à "souiller l'image" du pays, a protesté mercredi Vitali Moutko. Mardi déjà, un porte-parole du Kremlin avait assuré que les accusations de dopage organisé étaient "infondées".
La Russie qui organisera le Mondial de football en 2018 a reçu un soutien presque inattendu mardi soir.
Le Comité international olympique (CIO) a affirmé qu'il n'avait "aucune raison de mettre en doute la crédibilité des contrôles antidopage réalisés aux jeux Olympiques d'hiver 2014" à Sotchi. Le laboratoire qui les a pratiqués était celui de Sotchi, non de Moscou.
Pour autant, le scandale est énorme et rappelle le système de dopage institutionnalisé mis en place du temps du bloc soviétique, notamment en RDA.
Ce scandale peut-il s'étendre à d'autres pays et d'autres disciplines, comme le laisse craindre le rapport ? Si c'était le cas, la crédibilité du sport et des valeurs morales qu'il est censé porter recevrait un coup terrible, à neuf mois des JO de Rio et sept de l'Euro de football en France. D'autant que le tableau a déjà été noirci par les accusations de corruption à la Fifa.
- D'autres pays, d'autres sports -
"La Russie n'est pas le seul pays, ni l'athlétisme le seul sport, à faire face au problème du dopage organisé", a asséné l'AMA dans son rapport.
"C'est injuste de se concentrer uniquement sur la Russie. Il devrait y avoir la même enquête sur des pays comme le Kenya et l?Éthiopie", a déclaré mercredi le lanceur d'alerte russe Andrey Baranov au journal britannique The Guardian. Cet agent d'athlètes a collaboré avec l'AMA.
Selon plusieurs experts, le dopage organisé existe surtout dans des pays où le régime est fort. "De telles fraudes ne peuvent être qu'étatiques, avec plusieurs décideurs impliqués dont les services secrets", explique un spécialiste requérant l'anonymat, qui cite la Chine.
Outre l'athlétisme et le cyclisme avant lui, la natation, le ski de fond et l'aviron sont évoqués dans le rapport de la commission d'enquête.
Au-delà de la seule question du dopage, le scandale qui a éclaté cette semaine est marqué par des soupçons de corruption: le Sénégalais Lamine Diack (82 ans), qui a quitté en août son poste de président de l'IAAF après 15 ans de règne, est accusé d'avoir couvert le dopage d'athlètes russes moyennant finances.
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