Les Européens vont faire pression sur l'Afrique pour qu'elle limite le flux de migrants vers l'UE, lors d'un sommet commun qui s'ouvre mercredi à Malte, mais continuent d'y répondre en ordre dispersé, comme l'illustre la pose de barbelés par la Slovénie.
La Commission européenne espère que les Européens mobiliseront 3,6 milliards d'euros en faveur d'un Fonds fiduciaire pour l'Afrique, dont elle s'est engagée à apporter la moitié, afin de freiner le flux migratoire en provenance de l'Afrique.
Sur la Route des Balkans, le gouvernement slovène, débordé, a commencé mercredi à installer des barbelés à sa frontière avec la Croatie. Il avait annoncé la veille son intention d'ériger des "obstacles techniques" pour mieux contrôler l'arrivée des migrants.
Car la crise migratoire, qui menace jusqu'à la cohésion de l'Union européenne, ne connaît aucun répit à l'approche de l'hiver. Mercredi à l'aube, quatorze migrants, dont sept enfants, sont encore morts noyés au large des côtes turques lors du naufrage de leur embarcation qui se dirigeait vers l'île grecque de Lesbos.
"Cette année, selon les statistiques les plus récentes, quelque 1,2 million de personnes sont entrées illégalement dans l'UE, principalement par la mer", a rappelé mardi le président du Conseil européen, Donald Tusk.
Les Etats membres de l'UE et une trentaine de pays africains sont convenu de s'attaquer ensemble à La Valette aux "causes profondes" qui poussent encore tant d'Africains à partir de chez eux. "Ce sommet est un sommet pour agir", a déclaré M. Tusk, devant le parlement de la petite île méditerranénne.
Le sommet doit débuter en fin d'après-midi et se prolongera jeudi. Il sera suivi d'une réunion informelle des seuls dirigeants européens, qui feront le point sur la crise migratoire et sur les tractations avec la Turquie, sollicitée pour freiner l'afflux de réfugiés syriens vers la Grèce.
La rencontre de La Valette avait été programmée dès le printemps dernier, au lendemain d'un naufrage dramatique dans lequel 800 migrants étaient morts noyés en Méditerranée centrale, une "route" empruntée par des milliers de migrants africains.
Depuis, l'attention s'est déplacée vers les Balkans et les demandeurs d'asile syriens toujours plus nombreux, mais les flux venant d'Afrique n'ont pas cessé. Et les Européens sont décidés à dissuader ceux qu'ils ne considèrent pas comme des réfugiés, sauf exceptions comme les Érythréens.
Ces derniers étaient les plus nombreux parmi les plus de 140.000 migrants arrivés en Italie par la mer en 2015, mais l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) a aussi dénombré plus de 19.000 Nigérians, et des milliers de Somaliens, Soudanais et Gambiens.
- Ne pas fermer les portes de l'UE -
Contrairement à l'afflux de réfugiés syriens, les migrations en provenance d'Afrique sont un "problème de long terme", souligne un diplomate européen. L'un des points les plus épineux à la Valette concerne les "retours et réadmissions" en Afrique des migrants irréguliers, que l'UE veut accélérer.
Le sommet devrait déboucher sur un "plan d'action", avec des projets concrets d'ici la fin 2016: des aides financières mais aussi logistiques seront proposées, avec des plans de réinsertion ciblés.
Mais les pays africains sont vexés du "deux poids, deux mesures" entre le traitement de leurs ressortissants et celui des demandeurs d'asile syriens. Ils demandent aux Européens de ne pas totalement fermer leurs portes, en développant des "canaux de migration légale" (de tourisme, d'études, de travail), mais les dirigeants européens, inquiets des réactions de leurs opinions publiques, sont très frileux en la matière.
- 'Externalisation' du problème migratoire -
L'UE se propose aussi d'aider le continent face à ses migrations internes, en aidant des pays accueillant eux-mêmes de nombreux migrants, comme le Soudan, le Cameroun ou l'Ethiopie.
"Les migrations africaines concernent surtout l'Afrique: l'émigration économique vers l'Europe est assez faible", a souligné sur ce point un responsable africain expliquant que le sommet chercherait des solutions pour "fixer les Africains qui ne sont pas menacés par la guerre en allouant des fonds au développement de l'emploi".
Un accord spécifique de l'UE avec l'Ethiopie doit notamment être annoncé à La Valette.
Amnesty international craint justement la multiplication d'accords bilatéraux discrets à La Valette. "L'UE cherche à externaliser son problème migratoire", a déploré Iverna McGowan, une responsable de l'ONG, dans un entretien à l'AFP.
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