La TVA sur les tampons est-elle inégalitaire? L'impôt sur le revenu privilégie-t-il les hommes? Les associations féministes françaises, s'inspirant d'autres pays, s'attaquent aux rébarbatifs sujets fiscaux, non sans embarrasser les responsables politiques.
Mercredi, le collectif Georgette Sand entend manifester à 15H00 pour une TVA réduite sur les protections périodiques, de manière "festive". Un autre collectif, "Culotte Gate", avait envoyé à des responsables politiques des dessous tachés de peinture rouge, rappelant le sang menstruel.
L'Assemblée nationale a rejeté le 15 octobre une proposition de la députée PS Catherine Coutelle, visant à baisser la TVA sur les protections périodiques (tampons, serviettes) au taux réduit de 5,5%, contre 20% aujourd'hui.
Lors du débat, entre députés majoritairement de sexe masculin, le secrétaire d'Etat au Budget Christian Eckert avait rejeté la demande. Non sans quelques formules maladroites, semblant rapprocher la TVA sur les tampons de celle sur les "parcs d'attraction" ou sur les mousses à raser, qui lui ont valu force quolibets.
Un nouvel amendement sera examiné au Sénat à partir du 19 novembre.
A part les protections périodiques, "il n'y a aucun autre produit qui crée une telle inégalité homme-femme" en termes de TVA, explique à l'AFP Gaëlle Couraud, du collectif Georgette Sand.
Pour elle, Bercy n'est pas tant préoccupé par le manque à gagner fiscal, estimé par les féministes à 130 millions d'euros, que tétanisé par "la peur de toucher à la TVA" et de gérer tous les "dysfonctionnements" de cette taxe.
Le ministère des Finances ne tient guère à ouvrir le débat sur ce qui relève ou non de la "première nécessité", et qui justifierait un taux réduit de TVA. "Par exemple, voir clair est une nécessité, alors il faudrait baisser le taux sur les lunettes", fait-on valoir.
A Bercy, on assure tout de même ne pas être "autiste" face à ces questions, malgré le faible nombre de femmes dans les cabinets ministériels (2 sur une quinzaine de conseillers pour M. Eckert, et 4 sur une vingtaine pour le ministre des Finances Michel Sapin, dont tout de même la directrice du cabinet).
- L'exemple canadien -
La mobilisation autour de la "taxe tampon" est une déclinaison d'un mouvement en cours dans plusieurs pays anglo-saxons. En Grande-Bretagne, le gouvernement a promis d'alerter la Commission européenne, qui a le dernier mot en matière de TVA, sur la possibilité d'une exemption totale pour les protections périodiques.
Le Canada a lui décidé l'été dernier de ne plus appliquer l'équivalent de la TVA aux produits d'hygiène féminine.
Mais les réflexions en France sur le rapport entre fiscalité et inégalités liées au sexe va plus loin que la TVA.
En avril 2014, la délégation de l'Assemblée nationale aux droits des femmes avait publié un rapport sur le quotient conjugal, l'imposition commune obligatoire des couples mariés ou pacsés, concluant que ce quotient conjugal -- une rareté parmi les pays développés -- peut dissuader les femmes de travailler.
Une étude du Laboratoire interdisciplinaire d'évaluation des politiques publiques (LIEPP) a montré au même moment ou presque que la structure de l'impôt "augmentait la dépendance des femmes à leurs maris, particulièrement dans les familles à bas revenus".
Le rapport de la délégation de l'Assemblée nationale aux droits des femmes préconisait l'an dernier de supprimer à long terme le quotient conjugal, et à défaut de l'aménager à court terme.
Il est possible que le sujet resurgisse alors que la France s'apprête à passer au prélèvement à la source de l'impôt.
Pour Christiane Marty, de la fondation Copernic, qui critique le libéralisme, le système risque en effet de "renforcer le caractère inégalitaire" du quotient conjugal.
Elle fait valoir que femmes et hommes en couple seront prélevés automatiquement chaque mois au même taux, s'ils sont mariés ou pacsés, même s'ils ont des revenus très différents et pas forcément partagés.
Selon l'Insee en effet, 64% des couples vivant ensemble depuis au moins un an mettent en commun la totalité de leurs revenus.
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