Grande figure de la social-démocratie européenne, connu pour son franc parler, l'ancien chancelier Helmut Schmidt est décédé mardi à 96 ans en laissant notamment comme héritage la relance du couple franco-allemand dans les années 1970.
Opéré en septembre pour un caillot de sang dans une jambe, l'ex-dirigeant social-démocrate, qui fut chancelier de 1974 à 1982, s'est éteint chez lui à Hambourg (nord), a annoncé son bureau à l'AFP.
Ce fumeur invétéré, petit-fils de docker et grand connaisseur des questions économiques, était resté présent dans le débat politique, commentant la crise grecque, celle de l'Ukraine ou encore critiquant le manque de compétence en finances d'Angela Merkel.
Son charisme et ses analyses ont prolongé son influence bien au-delà de son mandat à la chancellerie, faisant de lui l'une des figures les plus respectées du monde politique allemand.
A l'occasion de son 95e anniversaire, en décembre 2013, un sondage du magazine Stern l'avait désigné comme le chancelier le plus important de l'après-guerre (25%), devant Konrad Adenauer (23%), Willy Brandt (18%) et Helmut Kohl (17%).
Bien que de bords politiques différents, lui et le président français Valéry Giscard d?Estaing avaient incarné l'amitié franco-allemande et la relance du projet d'intégration européenne. Leur travail après le choc pétrolier aboutit au système monétaire européen (SME) et en 1979 à l?Ecu, ancêtre de l'Euro.
Mme Merkel a salué "une institution" allemande, son "humilité personnelle" et son "autorité naturelle".
"Il était aussi un exemple pour moi, l'un de ceux dont les conseils et les jugements m'importent", a souligné la chancelière conservatrice.
Un des premiers à réagir, le président français François Hollande a salué "un grand Européen". Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker a relevé son rôle avec Valéry Giscard d'Estaing pour ouvrir "la voie à l'euro".
M. Giscard d'Estaing, évoquant un "deuil personnel", a de son côté jugé qu'Helmut Schmidt avait "restauré la dignité extérieure" de l'Allemagne et construit "l'âge d'or" de la relation entre Paris et Berlin.
- Petites phrases -
Homme de compromis, il n'avait pourtant pas la langue dans sa poche. Schmidt hérita ainsi du sobriquet de "Schmidt-Schnauze" ("Schmidt, la grande gueule").
Parmi ses petites phrases, les médias allemands aiment rappeler ses piques lancées aux politiques ou aux médias : "celui qui a des visions devrait aller chez le médecin", ou encore "journalistes et politiciens partagent le triste destin de parler souvent de choses aujourd'hui qu'ils ne comprendront vraiment que demain".
Pour le président allemand Joachim Gauck, il restera ainsi "dans les mémoires pour la rare concordance en une personne de l'action, d'une pensée claire et de paroles franches".
Né le 23 décembre 1918 à Hambourg (nord), diplômé en économie, mobilisé dans la Wehrmacht pendant la Seconde guerre mondiale, Helmut Schmidt adhère au Parti social-démocrate (SPD) en 1946 et devient député en 1953.
D'abord ministre de la Défense en 1969, poste qu'il cumule avec celui des Finances de 1972 à 1974, c'est nanti d'une réputation de meneur d'hommes qu'il succède au chancelier Willy Brandt, chassé par un scandale, et est réélu en 1976 et 1980.
A ce poste, il poursuit la politique de détente avec l'Est, valorisant autant la dissuasion que le dialogue, et se méfiant du président américain Jimmy Carter (1977-81), qu'il soupçonne de vouloir "découpler" défense nucléaire américaine et sécurité européenne.
A l'apogée de sa "Realpolitik" - une politique pragmatique reléguant au second plan les considérations idéologiques et morales -, il obtient un renforcement des forces nucléaires américaines en RFA malgré les manifestations de centaines de milliers d'Allemands.
Helmut Schmidt reste aussi le chancelier de la confrontation sans concession avec la Fraction Armée Rouge (RAF), groupe d'extrême gauche responsable d'assassinats en série durant la décennie 1970, dont celui du chef du patronat allemand Hanns Martin Schleyer, après un enlèvement. Le chancelier avait alors refusé un échange proposé par les ravisseurs.
- 'Volonté et cigarettes' -
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