Le Kosovo, ancienne province serbe qui a déclaré unilatéralement son indépendance en 2008, a échoué de peu lundi à devenir un nouvel Etat membre de l'Unesco, un revers dans sa volonté d'obtenir une reconnaissance internationale.
La demande d'adhésion du Kosovo a recueilli 92 votes des Etats membres, sur 142 exprimés, n'atteignant pas la majorité des deux tiers (95) nécessaire à sa ratification, lors d'un vote au siège de l'Unesco (Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture) à Paris. Cinquante Etats membres ont voté contre la résolution, et 29 se sont abstenus.
"La conférence générale vote contre l'adoption du projet de résolution", a conclu le président de séance, Stanley Mutumba Simataa, vice-ministre de l'Information et communication de Namibie.
La Serbie et la Russie, son allié traditionnel, étaient farouchement opposées à cette adhésion qui aurait donné au Kosovo, essentiellement peuplé de musulmans d'origine albanaise, la gestion de quatre sites de l'Eglise orthodoxe serbe classés au patrimoine mondial de l'humanité, dont les monastères de Pec, Gracanica et Decane.
"Il s'agit d'une victoire juste et morale acquise dans des conditions presque impossibles", s'est félicité à Belgrade le président serbe Tomislav Nikolic. "Personne ne peut humilier la Serbie", a renchéri le Premier ministre Aleksandar Vucic, tout en promettant de "poursuivre le dialogue avec Pristina".
De son côté, le Kosovo a souligné qu'il avait le soutien de la majorité des Etats membres. "Il ne manquait que trois votes () Ce n'est qu'un petit revers sur un long chemin", a déclaré le vice-ministre kosovar des Affaires étrangères, Petrit Selimi, présent à Paris.
"La destinée du Kosovo ne peut pas être stoppée, et nous candidaterons encore pour devenir membre des organisations onusiennes, y compris l'Unesco", a ajouté sur Facebook le ministre des Affaires étrangères, Hashim Thaci.
Peu avant le vote sur l'adhésion elle-même, une demande de report de cette consultation, introduite par la Serbie, avait été rejetée par une majorité d'États membres.
- 'Inacceptable' pour Moscou -
Depuis des semaines, Belgrade mettait en garde contre le "risque sérieux" de transférer la gestion de ses lieux saints aux autorités kosovares, en évoquant des dégâts et des pillages qu'ils ont subis depuis le conflit entre la guérilla indépendantiste albanaise et les forces de Belgrade en 1998-99. Le gouvernement serbe s'était déclaré "profondément inquiet pour le patrimoine culturel et historique" du pays.
Le gouvernement kosovar assurait pour sa part que tous ces sites auraient été protégés.
Outre la gestion des lieux saints, l'adhésion du Kosovo devait permettre à Pristina d'accéder à des fonds dans les domaines de l'éducation et de la culture. Elle représentait surtout un premier pas vers une adhésion du Kosovo à l'ONU.
Le Kosovo, qui compte 1,8 million d'habitants, a été reconnu à ce jour par plus de cent pays, dont les États-Unis et la majorité des pays membres de l'Union européenne. Bruxelles et Pristina ont d'ailleurs signé la semaine dernière un accord de "stabilisation et d'association", première étape sur le long chemin d'adhésion à l'UE.
Mais l'indépendance du Kosovo, à laquelle Belgrade est farouchement opposée, reste également contestée par la Russie et la Chine.
Vendredi, la candidature du Kosovo à l'Unesco avait d'ailleurs suscité une passe d'armes entre Moscou, qui la jugeait "inacceptable" et "dangereuse", et Washington, qui la soutenait.
Le rejet lundi de la résolution "reflète les circonstances et les affrontements géopolitiques qui, depuis un certain temps, sont présents dans les Balkans", a souligné le ministre des Affaires étrangères d'Albanie, Ditmir Bushati sur la télévision Top Channel. Pour ce partisan d'une adhésion kosovare à l'Unesco, ce vote "doit faire réfléchir l'Union européenne () afin d'éviter le retour de cette région en une zone d'autres influences", notamment russe.
Ce n'est pas la première fois que l'Unesco se divise sur l'adhésion d'un nouveau membre. L'entrée en son sein de la Palestine en octobre 2011 avait été vivement critiquée par les Etats-Unis et Israël, qui ont depuis cessé de verser leur contribution financière et ont, en conséquence, perdu leurs droits de vote lors des Conférences générales.
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