Le parti de l'opposante birmane Aung San Suu Kyi a revendiqué lundi une victoire écrasante aux élections de la veille, confirmée par de premiers résultats officiels ouvrant la voie à un basculement historique.
La Ligue nationale pour la démocratie (LND) a remporté 15 des 16 premiers sièges de députés annoncés lundi par la commission électorale, qui s'est lancée dans une long égrenage des résultats, incluant pêle-mêle chambre haute et basse du Parlement national, et assemblées régionales.
Cela pourrait prendre des heures. Et les résultats définitifs des jours.
Emue et festive, une foule ayant revêtu des T-shirts rouges affirmant "Nous devons gagner" ou "Voter pour le changement" s'est réunie devant le siège de la LND, dans l'attente de l'apparition d'Aung San Suu Kyi.
"Nous attendons ces résultats depuis des années", s'enthousiasme Thuzar, propriétaire d'une boutique de téléphonie mobile de 42 ans, après avoir acheté un T-shirt à l'effigie de "mère Suu", comme la surnomment affectueusement de nombreux Birmans.
"Je pense que le peuple a déjà une idée des résultats même si je ne dis rien", avait déclaré Aung San Suu Kyi dans la matinée lors d'une brève apparition au balcon des locaux de son parti, recouvert d'une immense affiche rouge la représentant sous la figure tutélaire de son père, le général Aung San, architecte de l'indépendance de l'ancienne colonie britannique, assassiné alors que Suu Kyi était enfant.
Arrivée aux marches du pouvoir après des décennies de dissidence (dont plus de 15 ans en résidence surveillée), la "Dame" d'aujourd'hui 70 ans a joué la prudence jusqu'ici, dans l'attente de résultats complets. Les premières circonscriptions tombées sont en effet dans la région de Rangoun, traditionnellement pro-LND.
Le parti au pouvoir, l'USDP, créé par d'ex-généraux pour assurer la transition, a reconnu de premiers revers: le président de la chambre basse du Parlement, Shwe Mann, s'est incliné face au candidat de la LND dans la région de Phyuu, dans le centre du pays. Le président du parti, Htay Oo, et plusieurs poids lourds du parti se sont fait balayer.
Mais la LND affirme avoir remporté au niveau national plus de 70% des sièges. Un chiffre impossible à confirmer de source indépendante.
"Nous gagnons avec plus de 70% des sièges à travers le pays", avait déclaré dans la matinée Win Htein, porte-parole du parti.
Avoir 70% des sièges permettrait à Aung San Suu Kyi d'avoir une majorité absolue malgré la présence d'un quart de députés militaires, non favorables à la LND.
Après des décennies de junte militaire, puis de domination de ses héritiers depuis les réformes lancées en 2011, cela consisterait une révolution complète et inédite pour la scène politique birmane.
Aung San Suu Kyi, que ses longues années de résidence surveillée ont empêchée de voir grandir ses enfants, restés en Angleterre, incarne les espoirs démocratiques de son pays depuis 30 ans.
Si les ex-généraux s'affichent comme des réformateurs et promettent de respecter le verdict des urnes, les signes de crispation se sont multipliés, avec en amont du vote des arrestations de dirigeants étudiants, des centaines de milliers de musulmans privés de droit de vote, un vote anticipé obscur et le scrutin annulé dans des régions en proie à des conflits armés ethniques.
Le scrutin de dimanche en lui-même s'est globalement bien déroulé et quelque 80% des plus de 30 millions d'électeurs se sont rendus aux urnes.
"Je n'ai aucun doute quant aux résultats. Tout va changer maintenant Tout le monde sait déjà qui a gagné. La LND. Maintenant, tout dépend du gouvernement", a confié à l'AFP Yee Yee, vendeuse d'épices et de soja sur un marché de Rangoun.
"Si ces élections sont un important pas en avant, elles sont loin d'être parfaites", a commenté le secrétaire d'Etat américain John Kerry, disant Washington attentif au décompte des voix en cours.
- Election du président -
Le principal élément de comparaison reste les législatives de 1990, dernières élections nationales libres, remportées très largement par la LND. La junte n'avait finalement pas reconnu le vote, auquel Suu Kyi n'avait pu prendre part elle-même, étant alors en résidence surveillée.
Mais 25 ans plus tard, la situation a changé, affirment les héritiers de la junte, promettant de ne pas piper les dés cette fois-ci.
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