"De mon parcours, j'ai appris que la vie est un combat", raconte d'une voix douce Thierno Diallo, un jeune Guinéen qui a tiré un livre des épreuves traversées entre la fuite de son pays à seulement 15 ans et l'obtention d'un titre de séjour en France.
Six ans après son arrivée à Strasbourg, Thierno est un jeune homme de 21 ans qui a toujours l'apparence d'un frêle adolescent, associée à la maturité d'un adulte.
C'est à la médiathèque Malraux, un de ses repères dans la capitale alsacienne, qu'il a donné rendez-vous pour parler de son livre.
"Comme tous les jeunes de mon âge, j'ai beaucoup de rêves: peut-être qu'un jour je pourrai partager tout ce que j'ai vécu avec ceux qui sont restés en Guinée", confie-t-il, en pesant bien chacun de ses mots.
Pour Thierno, la grande et terrible aventure de la migration commence dans un stade de Conakry, le 28 septembre 2009.
Les forces de sécurité y tuent au moins 157 personnes, des opposants au régime militaire rassemblés pour réclamer que le capitaine Dadis Camara ne se présente pas à l'élection présidentielle.
Caché sous un banc, Thierno voit des hommes et des femmes se faire massacrer. Sa mère disparaît. Il est toujours sans nouvelle d'elle aujourd'hui.
Après un passage dans les geôles de la junte, l'adolescent est libéré grâce à l'intervention d'un ami de sa famille, mais plus question de rester en Guinée, où sa vie est menacée: direction la Grèce, comme passager clandestin sur un cargo.
D'Athènes, il gagne Paris, puis est abandonné à Strasbourg, sans argent ni papiers, par le migrant avec lequel il voyageait vers l'Allemagne.
Un inconnu rencontré devant la gare le mène à la porte d'une association de protection des droits de l'enfant.
"Si quelqu'un essaye de te parler dans la rue, dis-toi qu'en lui offrant quelques minutes d'écoute, tu peux changer le cours de sa vie", écrit Thierno dans son livre "Moi, migrant clandestin de 15 ans".
- Choc culturel -
Placé au foyer Oberholz de Bouxwiller où cohabitent mineurs isolés étrangers et jeunes Français relevant de la protection judiciaire de la jeunesse, Thierno s'adapte peu à peu à la vie en France, un pays dont la langue le séduit.
Avec autodérision, il raconte dans son livre le choc culturel et les contre-sens qu'il induit, comme lorsqu'il prend les appareils dentaires des ados pour des bijoux.
Pourtant, tout est loin d'être rose pendant cette période. L'adolescent décrit tous les détours du labyrinthe administratif qu'il doit parcourir, confronté à des fonctionnaires qui doutent de sa présence dans le stade de Conakry.
C'est d'ailleurs pour mettre à distance ces déceptions successives qu'il commence à les raconter dans un carnet.
"La sortie du livre, c'est un rêve qui se réalise", explique-t-il aujourd'hui. "Je me suis rendu compte que tout ce que j'écrivais pouvait aider à faire mieux comprendre ce qui pousse quelqu'un à partir de chez lui".
Pour Michel Bonnefon, chef de service au foyer Oberholz, "cette reconnaissance qu'il a envers le savoir nous fait du bien, à nous éducateurs qui nous battons depuis des décennies avec des jeunes qui sont déscolarisés, exclus, 'incasables'".
L'histoire finit bien pour Thierno: il obtient un permis de séjour et décroche son Bac. Il termine aujourd'hui un BTS d'arts graphiques.
"C'est important de montrer à quel point ces jeunes sont courageux, téméraires et vaillants", insiste Gaëlle Le Guern, directrice adjointe du foyer, qui a suivi Thierno. "Ils arrivent quasiment tous à une situation d'insertion professionnelle et sociale quand ils sortent du dispositif de suivi".
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