Le Conseil d'administration de Renault doit se retrouver vendredi pour se pencher sur la crise qui empoisonne les relations du constructeur automobile avec l'Etat français, dont l'influence récemment accrue irrite aussi le partenaire japonais Nissan.
Les dix-neuf membres de cette instance présidée par Carlos Ghosn sont convoqués en réunion extraordinaire, au terme d'une nouvelle semaine de tiraillements entre la firme au losange, son allié japonais et Bercy.
A la source de ces tensions, la décision du gouvernement français de monter au capital de l'ancienne Régie nationale au printemps dernier. De 15%, la part de l'Etat est montée à 19,7%.
Le gouvernement s'était ainsi assuré une minorité de blocage pour imposer à l'entreprise, lors de l'assemblée générale des actionnaires en avril, l'application de la loi "Florange" qui récompense les actionnaires de long terme par l'octroi de droits de vote double.
Le coup de force du gouvernement, qui va pouvoir exercer de tels droits dès la prochaine AG en 2016, a provoqué la colère de Renault et de Nissan, tous deux dirigés par M. Ghosn.
Les sociétés, qui ensemble pointent à la quatrième place mondiale des producteurs de véhicules (après Toyota, Volkswagen et General Motors), sont liées depuis 1999.
Concrètement, Renault détient 43,4% du constructeur japonais, et une filiale de ce dernier contrôle 15% du groupe français.
Cependant, au titre de règles sur "l'autocontrôle" - aux termes du code du commerce français, une société en contrôle une autre lorsqu'elle détient au moins 40% de ses parts - les actions détenues par Nissan ne lui confèrent pas de droits de vote à l'assemblée générale de Renault.
Ces dernières semaines, les rumeurs ont enflé sur une modification de l'alliance: possibilité de voir Renault passer sous la barre des 40% de Nissan afin de débloquer les droits de vote du japonais chez Renault, voire que Nissan monte au capital de son partenaire pour contrer l'influence de l'Etat, ou même remise à plat totale avec possible fusion des deux entreprises.
Nissan, qui traversait de graves difficultés quand l'alliance a été conclue, "pèse" aujourd'hui 42 milliards d'euros en Bourse, contre moins du double, 17,6 milliards, pour l'entreprise française.
- Macron hausse le ton -
Lundi, Nissan s'est dit inquiet du renforcement de l'influence de l'Etat français au sein de son partenaire, tout en refusant de commenter les rumeurs de projets de "rééquilibrage" de l'alliance.
"L'Etat français a désormais un poids plus important, du point de vue de Renault c'est un problème important, et pour nous, Nissan, c'est un motif d'inquiétude", a ainsi déclaré Hiroto Saikawa, directeur de la compétitivité de Nissan en présentant les résultats semestriels du groupe.
De son côté, le ministre français de l'Economie, Emmanuel Macron, s'est une nouvelle fois défendu mardi de chercher à déstabiliser l'alliance, mais il a aussi haussé le ton en prévenant que l'Etat n'était pas un actionnaire "au rabais".
Lorsque l'alliance a été forgée avec le constructeur japonais en 1999, "Renault a pris des risques, a investi son argent pour aller soutenir ce groupe. Nissan va mieux aujourd'hui et nous devons tous nous en féliciter, c'est notre force collective", a remarqué le ministre, avant de préciser que l'Etat avait une participation de 40% à l'époque dans Renault, deux fois supérieure à celle d'aujourd'hui.
M. Macron a aussi promis que l'Etat reviendrait bientôt à son niveau de participation d'avant avril, sans toutefois donner de délai.
Les administrateurs indépendants de Renault, dont Franck Riboud, Thierry Desmarest et Cherie Blair, sont sortis de leur réserve jeudi matin pour soutenir la ligne de Carlos Ghosn.
Ces dix administrateurs, tout en se défendant dans un communiqué de vouloir "polémiquer sur les déclarations qui peuvent être faites sur l'avenir du groupe", ont estimé que l'alliance était "essentielle pour la pérennité de Renault et l'adoption des droits de vote double de nature à la déstabiliser".
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