L'enquête sur la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2012 a pris une nouvelle dimension: les investigations ont été étendues fin octobre à d'autres dépenses suspectes que celles liées à Bygmalion.
Jusqu'à présent, les enquêteurs se concentraient sur les 18,5 millions d'euros de fausses factures émises par la filiale événementielle de Bygmalion, Event&Cie, dont ils pensent qu'elles ont servi à masquer une explosion du plafond légal de dépenses autorisées (22,5 M EUR). Ce sont désormais entre plus de 10 et 12 M EUR dont ils vont tenter de retrouver la trace.
Le parquet de Paris a en effet pris le 26 octobre dernier un réquisitoire supplétif en ce sens, a appris jeudi l'AFP de source judiciaire.
Si ces nouveaux soupçons devaient se matérialiser, cela fragiliserait la version de Nicolas Sarkozy, qui a qualifié de "farce" la thèse d'un dérapage de ses dépenses de campagne devant les policiers, en septembre. Il avait aussi semblé mettre en cause l'ex-patron de l'UMP Jean-François Copé, en affirmant: "Partout où (il) est passé, il a pris Bygmalion."
L'enquête comporte deux nouvelles interrogations. Qu'y a-t-il derrière les plus de 10 millions d'euros apparaissant dans le budget 2012 de l'UMP pour la campagne, alors que la somme n'a pas été reportée dans les comptes du candidat Sarkozy? Une ligne "présidentielle" du budget du parti indique en effet que 13,5 millions ont été dépensés. Or, seulement trois ont été communiqués à la commission des comptes de campagne (CNCCFP).
Deuxième question: que représentent des factures, pour 1,5 à 1,8 million d'euros, émises par une autre société que Bygmalion, Agence Publics, pour ses prestations lors du grand meeting de Villepinte? Des sommes qui n'ont pas plus été intégrées aux comptes de campagne.
- 'Moi, je n'en sais rien' -
Ces points ont été abordés lors d'une confrontation organisée par les juges le 9 octobre entre cinq des treize mis en examen, ont rapporté des sources proches du dossier. Des protagonistes à qui le juge Serge Tournaire a présenté un tableau avec la fameuse ligne budgétaire "présidentielle".
Les anciens cadres de l'UMP se sont montrés avares d'explications. "Il faudrait regarder le détail de ces 10 millions d'euros", a répondu Fabienne Liadzé, alors directrice des ressources du parti, qui évoque "les transports des militants qui vont aux meetings: les cars, les trains", autant de postes qui représentent de "gros montants".
Seul ex-cadre de l'UMP à avoir reconnu un système de fausses factures, Jérôme Lavrilleux a expliqué aux juges avoir relevé dans les comptes 2012 de l'UMP "plus de 9 millions d'euros dans la rubrique frais de transport". Et d'insister sur les "très nombreuses zones d'ombre sur ces comptes de campagne dans de très nombreux domaines différents", avant d'enfoncer le clou dans L'Obs, quelques jours plus tard: "Les comptes ont débordé de tous les côtés. Il n'y a que Nicolas Sarkozy pour dire dans sa déposition que cette affaire ne concerne pas sa campagne."
Cette piste des transports en est une parmi d'autres, relativise une source proche du dossier. Elle poserait en tout cas problème, car les transports de militants aux meetings sont considérés comme des dépenses électorales qui doivent figurer au compte de campagne.
Qui aurait décidé de ne pas les inscrire? Pas Fabienne Liadzé, car "ce n'était pas (sa) mission", a-t-elle assuré. Pour elle comme pour le directeur de campagne Guillaume Lambert, ce choix était du ressort des experts comptables et du mandataire financier de la campagne, ont-ils répondu en confrontation.
L'ex-directeur général de l'UMP, où il était surnommé l'"oeil de Sarkozy", Eric Cesari, est resté laconique: il n'a "pas d'avis particulier sur ces questions".
Les anciens responsables de la campagne ont adopté le même mutisme sur les factures d'Agence Publics. "Je conteste être responsable du compte de campagne", a dit Guillaume Lambert. "Interrogez les experts comptables, en tout cas, moi, je n'en sais rien."
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