L'ex-majordome de Liliane Bettencourt, jugé à Bordeaux avec cinq journalistes pour violation de la vie privée de sa patronne, a assuré mardi avoir agi dans l'intérêt de la milliardaire, victime d'abus de faiblesse, en réalisant les enregistrements clandestins pour lesquels il est poursuivi.
L'ancien maître d'hôtel de Liliane Bettencourt, Pascal Bonnefoy, 52 ans, avait enregistré à son insu l'héritière de L'Oréal dans son bureau entre mai 2009 et mai 2010. Des "écoutes" dont il a reconnu devant le tribunal qu'elles étaient "illégales", et pour lesquels il encourt un an de prison et 45.000 euros d'amende.
Costume et cheveux gris, tiré à quatre épingles, Pascal Bonnefoy a expliqué avoir agi initialement pour se protéger des "agissements" de François-Marie Banier, confident de la vieille dame. Il évoque une "chasse aux sorcières" visant à éliminer, à l'époque, tous les proches d'André Bettencourt, le mari de la milliardaire décédé fin 2007.
M. Bonnefoy affirme aussi avoir voulu protéger sa patronne, à laquelle il avait "prêté allégeance", comme à André Bettencourt, un "père spirituel" au service duquel il était entré à l'âge de 27 ans et qu'il a accompagné "jusqu'à la fin". Le majordome soupçonnait François-Marie Banier d'abuser de la "vulnérabilité et de l'état de faiblesse" de sa patronne pour "détruire une famille" qu'il avait servie durant 21 ans.
Après la mort de "Monsieur" Bettencourt, qu'il évoque en sanglots, il se voit comme un "gardien du temple" contre l'influence "maléfique, malsaine de M. Banier" qui s'infiltrait "encore plus profondément dans l'esprit de Madame", explique-t-il au président Denis Roucou.
Lorsqu'il quitte le service de la milliardaire, fin mai 2010, Pascal Bonnefoy confie ses enregistrements à sa fille Françoise Bettencourt-Meyers. Celle-ci les remet aux enquêteurs pour prouver que sa mère, aujourd'hui âgée de 93 ans et sous tutelle, est abusée par certains proches.
- "Paradoxe" -
En mai, plusieurs membres de l'entourage de la milliardaire ont été condamnés à diverses peines de prison et d'amende pour "abus de faiblesse". Six d'entre eux, dont M. Banier, ont fait appel.
Le majordome s'est une nouvelle fois défendu mardi d'avoir posé un dictaphone derrière le fauteuil de sa patronne à la demande de sa fille. "C'est une décision personnelle" prise par "moi et moi seul", a-t-il insisté, en réponse à un feu de questions du président Roucou.
Parallèlement, des retranscriptions partielles de ces "écoutes" avaient été publiées par Mediapart et Le Point en juin 2010, ce qui vaut à cinq journalistes d'être poursuivis aux côtés de Pascal Bonnefoy. Ils n'ont jamais révélé comment ils les avaient obtenues , se retranchant derrière le secret des sources.
"Je n'ai jamais fait des copies que j'aurais remises à des journalistes", a assuré l'ex-majordome, affirmant ne même pas connaître l'existence de Mediapart à l'époque.
Pour leur défense, les journalistes soulignent le "paradoxe" à les juger pour avoir publié des enregistrements qui ont précisément servi de preuves à la justice pour faire condamner des proches de Mme Bettencourt pour abus de faiblesse.
"Il y a une contradiction qui ne peut être levée que par la relaxe des journalistes", a déclaré à l'AFP avant l'audience Fabrice Lhomme, journaliste à Mediapart poursuivi aux côtés de son confrère Fabrice Arfi et de son directeur de la publication, Edwy Plenel.
Ce dernier a, quant à lui, dénoncé un "procès aberrant" fondé sur un "délit fictif", celui de "recel de violation de la vie privée". Un projet de loi déposé par la Garde des Sceaux Christiane Taubira propose précisément de supprimer "concernant les journalistes" dès lors que la diffusion de ces documents au public relève de "l'intérêt général", a-t-il rappelé.
Un projet datant de 2013, cité par le président Denis Roucou lui-même, mais "resté en panne pour une raison que le tribunal ignore".
Sont également poursuivis, pour Le Point le journaliste Hervé Gattegno et son directeur de publication de l'époque, Franz-Olivier Giesbert, absent au procès lundi matin.
Le procès est prévu pour s'achever jeudi.
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