Le romancier Mathias Enard a reçu mardi le Goncourt pour "Boussole", hymne érudit à l'Orient, un choix symbolique fort de la part du jury du plus prestigieux des prix littéraires francophones face aux exactions des jihadistes.
Le prix Renaudot a été attribué dans la foulée à Delphine de Vigan, seule femme en lice pour cette récompense avec "D'après une histoire vraie" (JC Lattès).
Ecrivain fasciné par l'Orient, Mathias Enard, 43 ans, dont l'oeuvre est d'une originalité rare dans le monde des lettres, a été élu dès le 1er tour de scrutin par six voix, selon l'écrivain Didier Decoin, secrétaire général de l'Académie Goncourt. Il succède à Lydie Salvayre, lauréate 2014 avec "Pas pleurer" (Seuil).
Considéré par les critiques comme celui qui "méritait" le plus le Goncourt, il était l'un des deux grands favoris avec le Franco-Tunisien Hédi Kaddour, 70 ans, pour "Les prépondérants", face aux deux outsiders, Tobie Nathan ("Ce pays qui te ressemble", Stock) et Nathalie Azoulai, ("Titus n'aimait pas Bérénice", POL).
Face à la cohue des journalistes du monde entier, l'écrivain, large carrure et favoris broussailleux rappelant à certains Balzac, s'est dit "surpris" et "extraordinairement heureux".
"Je reviens d'Alger, figurez-vous, et de Beyrouth", a ajouté l'auteur de "Boussole". "Et peut-être la baraka de Cheikh Abderrahmane, le patron d'Alger, et Saint Georges de Beyrouth ont fait ça et j'en suis extraordinairement heureux".
Le Premier ministre Manuel Valls a félicité sur Twitter le lauréat, qui "avec son phrasé musical transmet l'amour de l'Orient et de ses trésors à préserver. Une Boussole pour l'époque".
En 2010, Mathias Enard avait déjà reçu le Goncourt des lycéens pour "Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants".
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"Boussole", un livre exigeant et parfois ardu, plonge le lecteur, le temps d'une nuit, dans les rêveries opiacées d'un musicologue viennois épris de l'évanescente Sarah. Un des objectifs du roman, selon Enard, est de lutter contre l'image simpliste et fantasmée d'un Orient musulman et ennemi, en montrant tout ce qu'il nous a apporté.
Pour mériter le Goncourt, il faut "une histoire, une écriture, une ambition", avait résumé Bernard Pivot, président de l'Académie Goncourt, avant l'attribution du prix.
Le lauréat recevra un chèque de 10 euros. Mais l'enjeu est ailleurs. Un roman estampillé Prix Goncourt se vend en moyenne à environ 400.000 exemplaires, le Renaudot à un peu moins de 200.000.
Né en 1972 à Niort, Mathias Enard est depuis toujours attiré par l'Orient. Arabophone, il parle également le persan, appris à l'université Chahid-Behechti de Téhéran. Avant de s'installer à Barcelone où il enseigne l'arabe, il a vécu à Berlin et à Beyrouth.
Les relations compliquées entre l'Occident et l'Orient étaient au coeur de trois des quatre romans en lice cette année pour le Goncourt, notamment celui d'Hédi Kaddour, récompensé jeudi du grand prix du roman de l'Académie française ex aequo avec Boualem Sansal ("2084", Gallimard), qui dresse une fresque du monde colonial au Maghreb dans les années 20.
Le jury du Renaudot a, lui, choisi de récompenser une femme, Delphine de Vigan, 49 ans, qui était en lice face à Laurent Binet ("La septième fonction du langage", Grasset), Christophe Boltanski ("La cache", Stock), Fabrice Guénier ("Ann", Gallimard) et Philippe Jaenada ("La petite femelle", Julliard).
"D'après une histoire vraie" est un roman terriblement malin, volontairement placé sous le signe de Stephen King. Ce livre a déjà été vendu à plus de 107.000 exemplaires, un des meilleurs chiffres de la rentrée.
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