Le régime du président Recep Tayyip Erdogan a confirmé mardi sa ligne de fermeté après sa victoire aux législatives en poursuivant ses opérations contre les rebelles kurdes et la traque de ses rivaux, balayant les critiques qui s'inquiètent d'un nouveau tour de vis autoritaire.
Deux jours à peine après le scrutin, l'état-major de l'armée a annoncé que ses avions avaient mené lundi une série de frappes contre des objectifs du Parti des travailleurs des Kurdistan (PKK), aussi bien dans la province frontalière turque d'Hakkari (sud-est) que dans les montagnes du nord de l'Irak.
"Les caches et les emplacements d'armes de l'organisation terroriste () ont été anéantis", a proclamé le commandement militaire sur son site internet.
Mardi à l'aube, la police turque a lancé un nouveau coup de filet contre l'ennemi-juré du chef de l'Etat, l'imam Fethullah Gülen, en interpellant une quarantaine de ses partisans présumés à Izmir (ouest) et dans une vingtaine d'autres villes du pays.
M. Erdogan a déclaré la guerre il y a deux ans à M. Gülen et à son organisation, qu'il accusent de comploter pour provoquer sa chute.
Son Parti de la justice et du développement (AKP) a remporté dimanche les élections législatives avec 49,4% des suffrages, près de 10% de plus que lors du scrutin du 7 juin, et retrouvé sa majorité absolue perdue il y a cinq mois.
Ce triomphe a ravivé les inquiétudes des détracteurs de M. Erdogan, qui craignent qu'il profite de sa nouvelle légitimité pour renforcer sa mainmise sur le pays et ne multiplie les pressions sur l'opposition et la presse.
"Faute d'institutions capables de faire respecter l'équilibre des pouvoirs dans un régime fort, il est normal de s'inquiéter d'un éventuel renforcement des pratiques autoritaires en Turquie", a jugé l'analyste Kemal Kirisci, de la Brookings Institution.
Dans une déclaration d'une rare fermeté, la Maison Blanche s'est ainsi émue lundi soir des "pressions" et des "intimidations" visant les médias turcs.
Sur la même ligne, les observateurs de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) ont déploré les nombreuses "interventions dans l'autonomie éditoriale" de la presse de la part du pouvoir.
- Contre la "terreur" -
Piqué au vif, le vice-Premier ministre Alçin Akdogan a vigoureusement riposté mardi. "Il n'y a pas pressions sur les médias. Personne n'est obligé de se taire dans ce pays", a-t-il assuré sur la chaîne d'information NTV.
Mais ce fidèle du président a aussitôt justifié les nombreuses procédures judiciaires visant les journalistes. "Il ne peut y avoir de bouclier protégeant les médias, vous ne pouvez pas proférer des insultes", a réaffirmé M. Akdogan.
Lundi encore, la police a arrêté deux responsables du magazine Nokta, qui présentait en "une" de son dernier numéro la victoire du parti de M. Erdogan comme "le début de la guerre civile en Turquie", et saisi sa dernière édition.
Sur le conflit kurde, M. Akdogan a confirmé mardi le discours de fermeté de son gouvernement. "Tant qu'il y a la terreur, le gouvernement combattra la terreur", a-t-il asséné, "les citoyens ont montré ce qu'ils pensaient de l'organisation (PKK)".
Le triomphe électoral de l'AKP est interprété comme l'expression d'un désir de stabilité des électeurs turcs, dans un pays confronté à la reprise depuis l'été des affrontements meurtriers entre le PKK et les forces de sécurité turques et à la violence jihadiste, après l'attentat qui a fait 102 morts le 10 octobre à Ankara.
M. Erdogan et son Premier ministre Ahmet Davutoglu ont fait campagne en se posant en garants de la sécurité et de l'unité du pays.
Le vice-Premier ministre a répété mardi que les discussions de paix avec les rebelles kurdes, suspendues depuis l'été, ne pourraient reprendre que s'ils acceptaient "d'enterrer les armes". "Après ça seulement on pourra passer à autres choses", a-t-il dit.
Dans une déclaration relayée mardi par l'agence de presse kurde Firatnews, le PKK a qualifié la victoire de l'AKP de "coup d'Etat politique". "Le nouveau gouvernement a un programme politique d'un seule mesure: la guerre", a-t-il déploré.
Seul maître de la Turquie depuis 2003, M. Erdogan est de plus en plus contesté pour ses pratiques jugées autoritaires, aussi bien en Turquie qu'à l'étranger.
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