L'affaire Bettencourt revient mardi devant la justice à Bordeaux: l'ex-majordome de Liliane Bettencourt, Pascal Bonnefoy, comparaît pour "atteinte à l'intimité de la vie privée" pour avoir réalisé des enregistrements clandestins au domicile de la milliardaire et cinq journalistes du Point et de Mediapart pour les avoir publiés.
La diffusion par les deux médias, largement relayée par le reste de la presse, de ces enregistrements réalisés entre mai 2009 et mai 2010 à l'insu de l'héritière de L'Oréal avait fait basculer l'enquête, transformant un simple conflit de famille entre la richissime vieille dame et sa fille Françoise en une affaire d'Etat.
Car, outre les révélations sur la santé déclinante de la milliardaire et les agissements de son entourage, ces enregistrements pirates suggéraient des opérations financières destinées à échapper au fisc (comptes en Suisse non déclarés, île aux Seychelles), des immixtions de l'Elysée du temps de la présidence Sarkozy dans la procédure pour abus de faiblesse, l'ex-chef d'Etat ayant ensuite bénéficié d'un non-lieu, des soupçons de financement illicite de parti politique
Pascal Bonnefoy, 52 ans, qui encourt un an de prison et 45.000 euros d'amende, s'est toujours défendu d'avoir réalisé ces écoutes - une vingtaine d'heures de conversations captées avec un dictaphone dissimulé derrière le fauteuil de sa patronne - à la demande de Françoise Bettencourt-Meyers.
Cette dernière les avait remises aux enquêteurs mi-2010 pour prouver que sa mère, aujourd'hui âgée de 93 ans et sous tutelle, était victime d'abus de faiblesse de proches, notamment de son confident, le photographe François-Marie Banier. Lourdement condamné en mai à Bordeaux, il a fait appel.
"Pascal Bonnefoy a toujours été très clair dans ses déclarations sur le fait qu'il avait agi de sa propre initiative", a indiqué à l'AFP son avocat, Me Antoine Gillot. Non dans un but lucratif, "mais pour se défendre parce qu'il était injustement soupçonné d'avoir témoigné contre François-Marie Banier" durant l'enquête.
L'avocat juge d'ailleurs paradoxal de plaider face aux conseils de Liliane Bettencourt, partie civile, alors que "si elle a été préservée de ses prédateurs, c'est bien grâce à ces enregistrements"
Un mois à peine après la fin des écoutes, le site d'information Mediapart évoquait le premier leur existence et les aspects politiques de leur contenu, dans un article du 14 juin signé par Fabrice Lhomme et Fabrice Arfi. D'autres articles suivraient. Le 21 juin, le site publiait quelques extraits sonores.
- "Après mûre réflexion, divulguer" -
Après Mediapart, Le Point publiait à son tour treize articles d'Hervé Gattegno, reprenant des éléments des écoutes. Dans un supplément, l'hebdomadaire en reproduisait de larges extraits.
A Bordeaux, les trois journalistes, ainsi que les directeurs de publication des deux médias, Edwy Plenel pour Mediapart et, à l'époque, Franz-Olivier Giesbert pour Le Point, répondront de "détention et diffusion de documents portant atteinte à l'intimité de la vie privée", des faits également passibles d'un an de prison et 45.000 euros d'amende.
Ces derniers ont toujours fait valoir leur "strict devoir d'information", expliquant avoir pris soin, dans leur publication, d'écarter les passages concernant la vie personnelle et l'intimité de la milliardaire.
"Fallait-il en divulguer le contenu? Après mûre réflexion, et sans ignorer les questions de principes que peut soulever ce choix, Le Point répond par l'affirmative, au nom du droit à l'information", expliquait l'hebdomadaire en préambule. Révéler les manipulations dont était victime la milliardaire ne pouvait porter atteinte à ses intérêts, bien au contraire, se défendait également Mediapart.
Ce procès, jusqu'au 5 novembre, est le quatrième volet de la tentaculaire affaire Bettencourt devant le Tribunal correctionnel de Bordeaux. Dans le premier pour "abus de faiblesse" jugé en janvier-février, six prévenus doivent être rejugés en appel en mai 2016.
L'ex-gestionnaire de fortune Patrice de Maistre, qui vient de conclure un accord transactionnel avec la famille Bettencourt, s'est désisté de son appel. Quant à l'ex-infirmier de la milliardaire, Alain Thurin, jugé distinctement en raison de sa tentative de suicide à la veille du premier procès, il a été relaxé.
Dans le volet "trafic d'influence", Patrice de Maistre et l'ex-ministre UMP Éric Woerth ont été relaxés. Quant à la juge Isabelle Prévost-Desprez, le Parquet a fait appel de sa relaxe pour "violation du secret professionnel" prononcée le 2 juillet.
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