Pour la "dignité", contre les violences policières, le racisme et les humiliations : dix ans après les émeutes en banlieue et 32 ans après la "marche des Beurs", plusieurs milliers de personnes ont battu le pavé samedi à Paris à l'appel d'un collectif de femmes..
Partie du quartier populaire de Barbès, la foule compacte de 3.500 personnes selon la police, plus de 10.000 d'après les organisateurs, menée par des femmes, a défilé derrière une banderole "Marche de la dignité contre le racisme" en scandant: "Justice, réparations, unité".
"Aujourd'hui en France, si vous n'avez pas la bonne couleur de peau () vous pouvez mourir aux mains de la police", a lancé au micro Amal Bentounsi, porte-parole de la Marche des femmes pour la dignité (Mafed), collectif soutenu par la militante américaine des droits civiques Angela Davis et des dizaines de personnalités et associations antidiscriminations.
Selon cette jeune femme, dont le frère a été tué par un policier à Noisy-le-Sec en 2012 alors qu'il tentait d'échapper aux forces de l'ordre, "on stigmatise les gens issus des quartiers populaires, il y a un mépris".
"Nos quartiers ne sont pas des stands de tir", pouvait-on lire sur des banderoles, tandis que flottaient dans le cortège quelques drapeaux palestiniens. Parmi les slogans, dix mois après les attentats parisiens, la foule a scandé "Je suis Charlie, on n'en veut pas, les dessins racistes, on n'en veut pas".
Cette marche intervient dix ans après la mort dans un transformateur électrique de Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) de Zyed Benna et Bouna Traoré. Ce drame avait enflammé les quartiers populaires pendant près de trois semaines, lors de la plus grave vague de violences urbaines de l'histoire des banlieues françaises.
- Promesses non tenues -
Dans le cortège, des photos des deux adolescents étaient brandies, leurs prénoms scandés: "Zyed, Bouna, on n'oublie pas".
Pour marquer cet anniversaire, comme après les attentats de janvier, le gouvernement a affiché cette semaine sa détermination contre les discriminations. Mais les noms de plusieurs ministres et personnalités politiques de droite comme de gauche ont été pris pour cible samedi par les manifestants.
La manifestation a également lieu 32 ans après une autre marche, "pour l'égalité et contre le racisme", qui s'était achevée par un rassemblement de 100.000 personnes à Paris et la réception de quelques marcheurs à l'Élysée.
Et plus de trois décennies après cette "marche des Beurs", "rien n'a changé", estime Amal Bentounsi: "Violences verbales, physiques, stigmatisation". "Nous, femmes issues de l'immigration, on le sait à travers nos frères, nos pères, nos maris."
La jeune femme s'en prend aussi aux engagements non tenus, comme le récépissé pour les contrôles d'identité ou le droit de vote des étrangers aux élections locales, promis par François Hollande avant la présidentielle.
Abdoulaye Traoré a écourté ses vacances pour participer à la marche. Cet étudiant souhaite qu'elle provoque une "prise de conscience des politiques, mais aussi de nous-mêmes: on a les mêmes droits que les autres". "Avant, partout où j'allais, les magasins, les musées, j'avais un vigile qui me suivait. Maintenant, je comprends que ce n'est pas normal."
"C'est important que ce soient les habitants des banlieues qui lancent le mouvement, mais que les blancs soient conscients de leur responsabilité et montrent leur solidarité", affirme quant à lui Julien Talpin, 34 ans, pour expliquer sa présence.
En fin de cortège ont défilé des militants des jeunes communistes, du Parti de gauche, d'Europe Ecologie Les Verts (EELV) ou du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA), dont l'ex-candidat à la présidentielle Philippe Poutou. En revanche, étaient absentes les associations antiracistes les plus médiatiques (SOS Racisme, la Licra).
Les manifestants ont rejoint la place de la Bastille pour un concert, avec les rappeurs Médine, Disiz, Tunisiano ou encore Kery James, auteur d'un morceau en hommage à Zyed et Bouna, déjà vu plus de 1,5 million de fois depuis qu'il a été posté mercredi sur internet.
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