C'était à la fin des années 1970. Ils venaient de se marier et d'avoir une fille, et ce couple de fonctionnaires chinois comptait bien lui donner un frère ou une soeur. Mais le couperet est tombé: le Parti impose l'enfant unique. Dur à avaler, raconte 35 ans après le père, issu d'une famille nombreuse.
"Qu'est-ce que j'aurais pu ressentir ?", raconte M. Sun, 67 ans aujourd'hui. "Vous n'étiez pas autorisé à ressentir quoi que ce soit. Le Parti disait quelque chose, et nous, les membres du Parti, les cadres, on devait obéir."
La politique de l'enfant unique, vieille de plus de trois décennies, a été souvent appliquée avec sévérité, voire brutalité --avortements et stérilisations forcés notamment.
Son assouplissement a été annoncé jeudi --tous les couples seront désormais autorisés à avoir deux enfants---, afin de faire face au vieillissement de la population et aux besoins de sa future croissance.
La décision arrive pourtant trop tard pour toute une génération de Chinois, élevés dans l'idée traditionnelle que les familles nombreuses constituent un rempart anticrise.
"S'il n'y a qu'un enfant dans la famille et qu'il y a problème, tout le monde sera en difficulté", relève M. Sun, assis sur un banc d'un parc pékinois. "On appelle ça le 4-2-1: quatre grands-parents et deux parents dépendant d'un enfant unique."
Si les Chinois ordinaires sont punis de lourdes amendes pour chaque enfant "de trop", les fonctionnaires coupables risquent la révocation et l'ostracisme de leurs collègues.
- "Tête de Turc" -
"Ils ne vous punissaient pas à titre individuel -- tous les salaires et les promotions des gens qui travaillaient avec vous étaient bloqués", souligne M. Sun. "Vous deveniez donc la tête de Turc de tout le monde."
La femme de M. Sun dirigeait le bureau local de la Fédération des femmes, chargée d'inculquer les préceptes de la toute nouvelle politique de l'enfant unique.
Le couple, coincé entre sa fidélité au Parti et sa foi dans les valeurs traditionnelles, n'a pourtant jamais envisagé de bafouer les règles.
Dès le lancement de la politique de l'enfant unique, une préférence traditionnelle pour les garçons, ancrée dans la société, a engendré avortements sélectifs et infanticides.
M. Sun, lui, s'est résigné à n'avoir qu'une fille, malgré son envie d'un garçon.
"Peu importe mon sentiment là-dessus. Que pouvais-je faire ? Je pouvais juste vivre avec ça", soupire-t-il.
Les ONG relèvent que le nouvel assouplissement ne mettra fin ni au contrôle étatique sur la reproduction ni aux stérilisations et avortements forcés.
Shi Xinmei, nourrice de 51 ans, se remémore l'impitoyable application de la politique dans sa ville de Zhumadian, dans le Henan (centre).
- "Cruels et corrompus" -
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