A partir de 2019, les salariés seront incités à travailler plus longtemps pour pérenniser les régimes de retraites complémentaires, patronat et syndicats mettant vendredi la dernière main à un accord douloureux et délicat à défendre auprès des travailleurs.
Le patronat (Medef, CGPME, UPA) et trois syndicats (CFDT, CFE-CGC, CFTC) ont accepté un "accord de principe" le 16 octobre, rejeté par la CGT et Force ouvrière, qui participeront néanmoins à la réunion.
Tous ont reçu cette semaine le nouveau texte du Medef, fidèle à la trame déjà actée, et qui ouvre, selon ses détracteurs, la voie à un "report de l'âge de la retraite".
Sa mesure phare instaure un système de bonus-malus pour inciter les salariés à décaler leur départ, à partir de 2019 (génération 1957). Une fois atteints l'âge légal de départ à la retraite (62 ans) et la durée de cotisation requise pour une pension à taux plein, ces salariés devront travailler un an de plus ou subir une décote de 10% pendant deux ans, voire trois, cette troisième année devant être rediscutée en 2021.
Ceux qui travailleront deux années de plus bénéficieront au contraire d'un bonus de 10% pendant un an. Ce bonus grimpe respectivement à 20% et 30% pour trois et quatre années supplémentaires.
Les retraités exonérés de CSG et, nouveauté, certains travailleurs handicapés, aidants familiaux ou mères ouvrières ayant élevé trois enfants en seront dispensés.
Saluant l'accord, François Hollande avait jugé qu'il ne s'agissait pas "d'un report de l'âge de la retraite" mais d'une "liberté" laissée aux salariés.
- Les régimes "sauvés" -
Philippe Pihet (FO) fustige pourtant un dispositif "catastrophique" qui pénalisera les carrières longues, les femmes et les ménages modestes aux revenus trop élevés pour être exemptés de CSG.
Surtout, l'accord se révèle "déséquilibré". Sur l'ensemble des mesures, visant six milliards d'euros d'économies à l'horizon 2020, c'est la moindre revalorisation des pensions (-1 point par rapport à l'inflation) qui rapporte le plus (2,1 milliards).
Le patronat a fini par accepter une augmentation de ses cotisations, à hauteur de 700 millions selon lui. Mais il affirme avoir obtenu du gouvernement une baisse similaire des cotisations à la branche AT-MP de la sécurité sociale (accidents du travail-maladies professionnelles), ce que l'exécutif refuse pour l'heure de confirmer ou démentir.
"On n'a jamais été informés de cela", assure Jean-Louis Malys (CFDT), "on est en désaccord total si c'est le cas. Nous avons obtenu un apport financier du patronat. S'il y a par ailleurs, des deals dans notre dos, on ne peut pas rentrer dans ces considérations-là".
M. Malys reconnaît que les décisions prises sont difficiles à expliquer à sa base : "un accord sur les retraites c'est toujours compliqué parce qu'il y a des efforts à demander". Il faut "démontrer aux jeunes générations qu'on a un système solide, pas un système qui épargne tout le monde a priori, pour se retrouver un jour sans argent", fait-il valoir.
L'important c'est d'avoir "sauvé les régimes", renchérit Pascale Coton (CFTC).
Il faut dire que des efforts s'imposaient. Avec la crise économique, l'arrivée des papy boomers à la retraite et le chômage de masse, l'Agirc et l'Arrco ont vu leurs déficits respectifs se creuser à 1,985 milliard et 1,153 milliard en 2014. Sans ressources supplémentaires, leurs réserves seraient épuisées d'ici à 2018 pour l'Agirc et à 2027 pour l'Arrco.
C'est également le paritarisme qui a été sauvé, selon Serge Lavagna (CFE-CGC), qui se réjouit d'avoir obtenu l'assurance d'une prochaine négociation sur le statut cadre, menacé par la fusion des régimes Agirc (cadres) et Arrco (tous les salariés) prévue dans l'accord.
Des points restent toutefois à éclaircir, "le diable se cachant dans les détails", selon Jean-Louis Malys.
Le patronat s'engage notamment à étudier, lors de la prochaine négociation sur l'assurance chômage, la mise en place d"'une contribution aux régimes Agirc et Arrco, assise sur le montant des transactions accordées suite à la rupture du contrat de travail" mais sans préciser qui la paiera ni si les ruptures conventionnelles, les plus fréquentes, seront concernées.
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