Nicolas Sarkozy a dit jeudi au président russe Vladimir Poutine qu'il était "persuadé que le monde a besoin de la Russie" et plaidé pour un rapprochement entre les deux pays, lors d'une visite à Moscou qui n'a pas fait pas l'unanimité à droite et est sévèrement critiquée à gauche.
L'ancien président français a un peu patienté avant d'être reçu par le président russe dans sa résidence de Novo-Ogarevo près de Moscou. Avant de s'entretenir en privé, les deux ont échangé quelques mots devant la presse.
"Je suis content d'être ici à Moscou, et tu connais ma conviction que le monde a besoin de la Russie", a lancé Nicolas Sarkozy, qui voit Vladimir Poutine pour la troisième fois depuis qu'il a quitté l'Elysée en 2012. "La Russie et l'Europe sont faites pour travailler ensemble () Discuter, s'écouter et se respecter, c'est la destinée de la France et de la Russie", a-t-il ajouté dans une ambiance détendue.
C'est peu ou prou ce qu'il avait dit auparavant aux étudiants de l'institut des relations internationales de Moscou MGIMO, plaidant pour un "rapprochement" des deux pays, dont les relations se sont détériorées depuis la crise ukrainienne. Pour lui, Moscou est "incontournable" dans le règlement du dossier syrien.
Contrairement à François Hollande, il a appelé à ne pas faire du départ de Bachar Al-Assad un "pré-requis", même si "quelqu'un qui a sur la conscience la mort de 250.000 compatriotes ne peut pas représenter l'avenir du pays".
Le Premier ministre Manuel Valls, interrogé sur cette visite, a demandé à ne "pas mettre en cause" la position de la France "à l'extérieur", en soulignant qu'il s'agissait de la ligne de conduite du PS quand Nicolas Sarkozy était président de la République.
De fait, cette visite est quelque peu inédite: celle d'un ancien chef de l'Etat toujours activement engagé en politique, en visite chez l'un des plus importants dirigeants de la planète, livrant une analyse antagoniste de la position officielle française. Mais "ça ne pose pas de problème. La diplomatie, c'est le président qui la fait", évacue un diplomate.
M. Sarkozy a évolué à l'égard du président russe. Avant son élection en 2007, il avait multiplié les critiques contre les "exactions" en Tchétchénie. Alors taxé d'atlantisme, il avait reproché à Jacques Chirac d'aller "serrer la pogne de Poutine". Et le Kremlin avait mis deux jours à féliciter le nouveau locataire de l'Elysée.
Puis vint la crise russo-géorgienne de 2008. Alors président en exercice de l'Union européenne, M. Sarkozy avait proposé sa médiation, non sans essuyer quelques critiques de plusieurs pays de l'ex-bloc de l'Est.
- 'Lécher les babouches de Poutine' -
Sept ans plus tard, la donne a changé. La droite française est dans l'opposition et reproche majoritairement à François Hollande son attitude envers Moscou, sur fond de sanctions économiques mutuelles UE-Russie. Et en Syrie, "la France est hors-jeu" en raison de "l"intransigeance irréfléchie de François Hollande" envers Moscou, estime François Fillon sur son blog jeudi.
Et chaque prétendant à la présidentielle de 2017 y est allé de son billet de blog jeudi. L'ancien Premier ministre Alain Juppé a, en prenant soin de ne pas citer Nicolas Sarkozy, exhorté à parler "franchement" à "ce partenaire incontournable" qu'est la Russie.
"Il y a quelque chose qui me chiffonne chez une partie de la droite française", analyse un ministre actuel: "Autant je vois bien cette inclinaison historique chez une partie de la droite (la méfiance "gaulliste" vis-à-vis des Américains, NDLR) et François Fillon est dans une déclinaison historique de cela, au sens noble du terme", autant "il y en a d'autres qui sont des agitateurs, qui se positionnent uniquement dans le sens inverse de ce que dit François Hollande. Sarkozy fait partie de ceux-là. Il est prêt à tout, même à lécher les babouches de Poutine".
A gauche, les réactions oscillent entre la modération -"chacun a le droit d'aller discuter" dixit le patron des députés PS Bruno Le Roux lui-même persona non grata à Moscou- et l'indignation, les radicaux de gauche dénonçant une "diplomatie parallèle".
Autre donnée de l'équation: la conversion russophile du Front national. "Depuis que Marine Le Pen et son père ont touché des millions par une banque tchéco-russe, on observe une fascination d'un certain nombre de dirigeants" a observé sur France Info Cécile Vaissié, directrice du département de Russe à l'Université Rennes II.
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