Après près de trois semaines de mobilisation contre le projet de réforme de l'aide juridictionnelle, un accord a été signé mercredi entre la chancellerie et les représentants des avocats, destiné à mettre fin à la grève nationale des barreaux.
Dans un communiqué, le ministère de la Justice a salué un accord "qui pose les bases (d'une) réforme ambitieuse de l'aide juridictionnelle" (AJ). De l'avis général, ce dispositif permettant aux plus démunis d'être défendus par un avocat est "à bout de souffle" depuis des années, faute de budget suffisant.
"Cet accord devrait en principe mettre fin à (la) crise que nous vivons depuis plusieurs semaines", a réagi Pascal Eydoux, président du Conseil national des barreaux (CNB), lors d'un point presse au siège du CNB en présence du bâtonnier de Paris et du président de la conférence des bâtonniers.
Les avocats peuvent donc "suspendre le mouvement mais chacun reste l'arme au pied pour que ce protocole d'accord soit respecté", a-t-il ajouté.
Un front de moins, en principe, pour Christiane Taubira, absente de ce round décisif car partie en Guyane pour l'enterrement d'une proche. La ministre a dû lâcher du lest avec les avocats après avoir subi sous ses fenêtres la fronde des policiers puis des gardiens de prison. Les représentants des personnels pénitentiaires seront reçus jeudi par le président de la République.
Reste à savoir si les barreaux suivront le mot d'ordre du CNB. Les barreaux du Nord-Pas-de-Calais ont annoncé dans la soirée, par la voix du bâtonnier de Lille, qu'ils ne se sentaient "absolument pas concernés" par l'accord et continuaient le mouvement.
Le protocole d'accord confirme la suppression de la contribution de 15 millions d'euros en deux ans que Christiane Taubira entendait prélever sur les fonds Carpa, gérés par les avocats, pour abonder une augmentation du budget de l'aide juridictionnelle.
Il prévoit également une revalorisation de 12,6% de l'unité de valeur (UV) de base servant à établir la rémunération des avocats participant à l'AJ et correspondant à une demi-heure de travail. Il abandonne également la modification des barèmes qui prévoyait des baisses importantes de nombreuses missions comme l'assistance des personnes en garde à vue.
- "Pérenniser une vraie réforme" -
La chancellerie a accepté de revoir le système de modulation géographique des barèmes qui prévoyait une rémunération allant de 22,85 euros l'unité de valeur à 25,90 euros selon l'implication des barreaux et les populations concernées par l'AJ.
La nouvelle architecture recentrerait ces barèmes sur trois tranches (au lieu de dix), avec une rémunération allant de 26,50 euros à 28,50 euros.
"Cet accord donne acte à la profession qu'elle n'aura pas à payer un impôt supplémentaire pour exercer les missions qui sont les siennes et que les conditions dans lesquelles les avocats sont rétribués (pour l'AJ) ne sont pas décentes", a avancé Pascal Eydoux. Le président du CNB a précisé que l'accord invite à revenir à une table de négociations plus large pour "pérenniser une vraie réforme" de l'AJ dans les mois qui viennent.
Reprises lundi après une longue interruption, les négociations s'étaient accélérées mercredi alors que le CNB menaçait en cas d'échec d'appeler à une "journée justice morte" vendredi.
Ce mercredi, 159 barreaux sur 164 étaient en grève de l'AJ (aucun commis d'office désigné), dont 118 en grève générale, c'est-à-dire en grève des audiences (avocats appelés à ne pas plaider les affaires), selon un pointage du CNB.
Parmi eux, près de 500 avocats, tous vêtus de leur robe, avaient manifesté à Rennes devant le Parlement de Bretagne, siège de la cour d'appel.
La chancellerie a vanté mercredi la hausse du plafond des ressources de 900 à 1.000 euros qui permettra en tout à un million de personnes (soit 100.000 de plus qu'actuellement) d'avoir accès à une prise en charge totale des frais de justice dans le cadre de l'AJ.
Elle a souligné aussi que le budget de l'AJ va globalement augmenter, passant de 375 millions d'euros en 2015 à 405 millions d'euros en 2016, comme cela a été voté mercredi à l'Assemblée.
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