La justice turque a confirmé mercredi que l'attentat-suicide qui a fait 102 morts le 10 octobre à Ankara avait été commandité par le groupe Etat islamique (EI), dans le cadre d'une campagne de "terreur" destinée à faire annuler les élections législatives.
Deux semaines et demie après l'attaque la plus meurtrière de l'histoire de la Turquie, le bureau du procureur général d'Ankara chargé de l'enquête a affirmé détenir des "preuves sérieuses" qu'elle avait été réalisée par une cellule jihadiste turque sur ordre direct du quartier général de l'EI en Syrie.
"Cette organisation terroriste a mené l'attaque contre le la gare centrale d'Ankara sur l'ordre du groupe terroriste en Syrie et a spécifiquement demandé qu'elle soit réalisée par un kamikaze d'origine turque", a indiqué le parquet dans une déclaration.
Deux jours après l'attentat, le Premier ministre islamo-conservateur Ahmet Davutoglu avait lui-même publiquement présenté l'EI comme le "suspect numéro 1", mais sans exclure la responsabilité des rebelles kurdes ou de l'extrême gauche.
Le bureau du procureur général a précisé que la cellule jihadiste qui a opéré à Ankara, formée dans la ville de Gaziantep (sud) près de la frontière syrienne, "avait planifié des attentats en Turquie après avoir reçu des instructions directes de l'organisation terroriste Daech (acronyme arabe de l'EI) en Syrie".
La cellule turque s'était vu intimer l'ordre d'"attaquer des cibles du PKK (les rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan) et antiDaech en Turquie" avec l'objectif de "repousser les élections législatives du 1er novembre", selon les magistrats.
Le PKK et les milices kurdes de Syrie dont il est proche constituent le fer de lance des combattants qui luttent contre l'EI en Syrie et en Irak.
Le 10 octobre, deux kamikazes se sont fait exploser au milieu de la foule constituée de militants de gauche et de la cause kurde qui dénonçaient la reprise des affrontements entre les forces de sécurité turques et les rebelles kurdes du PKK.
L'un d'entre eux a été identifié par les enquêteurs comme étant Yunus Emre Alagöz.
- Traque -
Ce dernier faisait partie d'un groupe de jeunes radicaux originaire de la ville conservatrice d'Adiyaman (sud), avait combattu en Syrie et était le frère de l'auteur présumé d'un précédent attentat attribué aux jihadistes qui a fait 34 morts en juillet à Suruç (sud).
Le bureau du procureur a également confirmé lundi que la cellule de Gaziantep avait été à l'origine de l'attentat de Suruç et de celui qui avait fait cinq morts pendant une réunion électorale du Parti démocratique des peuples (HDP, prokurde) à Diyarbakir (sud-est), à l'avant-veille des législatives du 7 juin.
"Il y a eu des mouvements d'argent de l'organisation syrienne vers cette organisation terroriste", a assuré mercredi le bureau du procureur.
Quatre personnes soupçonnées d'avoir participé à l'organisation de l'attentat d'Ankara ont été inculpées et écrouées la semaine dernière, dont le chauffeur du véhicule qui a convoyé les deux kamikazes vers la capitale turque.
La police turque a procédé depuis à de nombreux coups de filet dans les milieux jihadistes, afin d'éviter de nouveaux attentats.
Lundi, deux policiers qui donnaient l'assaut sur plusieurs "planques" jihadistes ont été tués à Diyarbakir par un kamikaze. Sept militants présumés de l'EI ont été tués dans la fusillade qui a suivi et douze autres arrêtés.
Mardi, les forces de l'ordre ont interpellé une soixantaine d'autres suspects à Istanbul, Konya (centre) et Kocaeli (nord-ouest).
A quelques jours des élections législatives, le président islamo-conservateur Recep Tayyip Erdogan a promis de continuer la lutte contre "toutes les organisations terroristes" qui menacent la Turquie.
Mais, depuis l'attentat, l'opposition accuse M. Erdogan d'encourager la violence contre le HDP, son adversaire favori dans la course aux législatives, et d'être au mieux complaisant avec le groupe EI, qui combat en Syrie le régime de Damas, bête noire d'Ankara.
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