Le gouvernement turc a intensifié sa "guerre contre le terrorisme" à cinq jours d'élections législatives cruciales pour son avenir, en multipliant les coups de filet contre les militants jihadistes sur son territoire et en frappant les combattants kurdes en Syrie.
Mardi à l'aube, la police antiterroriste turque a mené une vaste opération dans la ville conservatrice de Konya (centre) et interpellé 30 membres présumés du groupe Etat islamique (EI), ont rapporté les médias.
Lors de deux autres raids, les forces de l'ordre ont arrêté 21 suspects à Istanbul et 20 à Kocaeli (nord-ouest), a précisé l'agence de presse Dogan.
Ces descentes spectaculaires interviennent au lendemain d'une fusillade qui s'est soldée par la mort de deux policiers et de neuf membres présumés de l'EI à Diyarbakir, la principale ville du sud-est à majorité kurde de Turquie. Cet accrochage est le plus sérieux survenu en Turquie depuis qu'Ankara a rejoint la coalition antijihadiste l'été dernier.
La police locale a révélé mardi que ses deux agents, dont la mort avait été initialement attribuée à l'explosion de pièges, avaient en fait été victimes d'un kamikaze.
Les six autres suspects tués lors de cet échange se préparaient eux aussi à commettre des attentats-suicide, a affirmé à l'AFP une source policière locale.
Un important arsenal, dont deux fusil d'assaut Kalachnikov, et 200 kg de nitrate d'ammonium, utilisé dans la fabrication des bombes, ont été saisis par la police lors de cette opération, a annoncé de son côté le bureau du gouverneur de Diyarbakir.
L'armée a par ailleurs annoncé mardi avoir arrêté 17 personnes proches de l'EI qui tentaient de franchir illégalement la frontière près d'Elbeyli (sud) pour se rendre dans une zone de Syrie tenue par les jihadistes.
Depuis quelques jours, la police turque a intensifié ses opérations contre la mouvance jihadiste à l'approche du scrutin de dimanche, sous haute tension après l'attentat suicide attribué aux jihadistes qui a fait 102 morts le 10 octobre à Ankara.
Le président islamo-conservateur Recep Tayyip Erdogan et le Premier ministre sortant Ahmet Davutoglu font campagne en jouant la carte de la sécurité et de l'unité du pays sur le mode "nous ou le chaos".
- 'Menace kurde' -
Lundi encore, le chef de l'Etat a promis de continuer la lutte contre "toutes les organisations terroristes" qui menacent la Turquie.
Mardi, la police a ainsi interpellé 13 militants du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) à Elazig (est). Depuis trois mois, les rebelles kurdes ont repris leur campagne d'attentats ciblés contre les forces de sécurité turques, faisant voler en éclats les discussions de paix engagées depuis l'automne 2012.
M. Davutoglu a également confirmé lundi soir que l'armée turque avait frappé "à deux reprises" récemment les positions des combattants kurdes de Syrie. "Nous avions prévenu que le PYD (Parti de l'union démocratique, Kurdes de Syrie) ne devait pas franchir (une limite) au-delà de l'ouest de l'Euphrate", a-t-il justifié.
Le gouvernement turc s'inquiète de la progression dans le nord de la Syrie des forces kurdes, proches du PKK qui mène la rébellion depuis 1984 sur son sol.
La Turquie redoute notamment qu'elles ne profitent de la guerre civile en cours pour y proclamer une région autonome le long de sa frontière sud. "C'est une menace pour nous", a répété samedi M. Erdogan.
Soutenues par les Etats-Unis, les milices kurdes syriennes constituent le fer de lance des forces terrestres engagées contre l'EI en Syrie. Après la ville emblématique de Kobané en janvier, elles ont pris en juin le contrôle de celle de Tall Abyad.
"Avant les élections, le pouvoir turc veut démontrer qu'il ne baisse pas les bras contre les terroristes, c'est avant tout une démonstration de force", a commenté à l'AFP Serkan Demirtas, le chef de bureau du journal Hürriyet Daily News à Ankara.
M. Erdogan et son Parti de la justice et du développement (AKP) espèrent reconquérir dimanche la majorité absolue perdue lors des législatives de juin dernier, après treize ans de domination politique sans partage sur le pays.
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