Fallait-il interdire "Love" de Gaspar Noé aux moins de 18 ans? Faut-il réformer le système dit de "classification" des films? Professionnels du cinéma et spécialistes, réunis à Dijon, ont débattu de ce sujet, sur lequel une réflexion officielle est en cours.
"La vraie liberté d'expression est en train de se rétrécir aujourd'hui", a lancé Gaspar Noé lors des Rencontres cinématographiques de Dijon, qui se sont tenues pendant trois jours.
Son film "Love", histoire d'amour avec des scènes de sexe non simulées, a été interdit cet été aux moins de 18 ans par le tribunal administratif de Paris.
Par deux fois pourtant, la commission de classification des oeuvres du Centre national du cinéma (CNC), chargée de donner des avis, avait recommandé une interdiction aux moins de 16 ans, suivie par la ministre de la Culture Fleur Pellerin.
Mais une association, Promouvoir, proche des milieux catholiques traditionalistes, a obtenu une interdiction plus sévère.
La raison? Un texte de loi qui stipule que tout film qui "comporte des scènes de sexe non simulées ou de très grande violence" doit être interdit aux moins de 18 ans, sans classement "X" si "la manière dont elles sont filmées" et "la nature du thème traité" ne le justifient pas.
Avant "Love", la justice avait aussi tranché en juin en faveur d'une interdiction aux moins de 18 ans pour le film d'horreur "Saw 3 D: Chapitre final".
L'interdiction aux moins de 18 ans distincte du "X", qui existe aux côtés des interdictions aux moins de 16 ans et moins de 12 ans, a été réintroduite en 2001 après une polémique suscitée par le film "Baise-moi" de Virginie Despentes et Coralie Trinh Thi.
Mais "aujourd?hui, les textes prévoient une automaticité de l?interdiction aux moins de 18 ans, qui ne permet pas de tenir compte de l?impact des oeuvres sur le public", estime Fleur Pellerin.
Elle a chargé le président de la commission de classification, Jean-François Mary, de lui présenter d'ici janvier des propositions "qui permettent à chacun d?agir en tenant compte des spécificités de chaque oeuvre", a-t-elle résumé dans un message diffusé à Dijon.
- 'Sanction économique' -
La notion de "scènes de sexe non simulées" est notamment au coeur des interrogations. "Pour moi, ce critère n'a pas grande signification", a souligné Jean-François Mary à Dijon.
Des doutes partagés par Catherine Breillat, réalisatrice de "Romance" et "Anatomie de l'enfer", deux films avec la star du porno Rocco Siffredi. "On ne le sait pas forcément, si c'est simulé ou pas, je suis très bien placée pour le savoir", a-t-elle lâché.
"Quand je regarde mon film +Anatomie de l'enfer+, la scène d'amour avec Rocco Siffredi est simulée. Néanmoins, elle est identique à celle qui n'est pas simulée dans +Romance+", a-t-elle ajouté.
Autre question soulevée par les professionnels: pourquoi mettre la "très grande violence" et le "sexe non simulé" sur le même plan?
"Si des films encouragent des gens à torturer ou à découper, c'est quand même autre chose !", s'est indigné Vincent Maraval, producteur de "Love".
Derrière ces questions, se retrouvent aussi des enjeux économiques. Une interdiction au moins de 18 ans entraîne une diffusion limitée sur les chaînes de télévision, ce qui a des répercussions sur "le prix d'acquisition" par le diffuseur, a expliqué Vincent Maraval, qui parle de "sanction économique".
Face à cette situation, plusieurs pistes de réformes sont envisagées. "Elles ne sont pas nulles, mais elles ne sont pas innombrables", a indiqué Jean-François Mary.
Parmi elles, il a notamment évoqué la possibilité de "rétablir l'assimilation entre le +X+ et l'interdiction aux moins de 18 ans", ou celle de trouver "une formulation qui fasse disparaître la notion de +sexe non simulé+".
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