Un suicide, et non un crime: pour la deuxième fois, une cour d'assises a acquitté les deux amis d'une riche veuve retrouvée pendue en 2005 à Neuilly, Franck Renard Payen, héritier de la victime, et Olivier Eustache, épilogue d'un Cluedo dans lequel l'accusation a toujours peiné à réunir des preuves formelles.
Cinq heures de délibéré ont permis aux jurés de la cour d'assises des Yvelines d'aboutir à cette conclusion lundi après-midi, après deux semaines de procès mettant en exergue l'indigence des preuves, les contradictions des expertises et le manque de précision des témoignages, dix ans après les faits.
Le corps de Dominique Aubry avait été retrouvé le 1er décembre 2005, pendu à l'escalier en colimaçon de sa luxueuse péniche des bords de Seine à Neuilly, par son ami Franck Renard Payen, par ailleurs désigné héritier universel quelques semaines plus tôt - 14 millions d'euros, avant impôts, en jeu.
Celui-ci était, avec Olivier Eustache, le dernier à avoir vu la victime vivante, puisqu'ils avaient dîné tous trois la veille sur l'embarcation, avant que les deux jeunes gens ne quittent la soirée vers 21H30.
Ils avaient laissé leur amie ivre - Dominique Aubry avait trouvé refuge dans l'alcool et les anxiolytiques depuis que son mari, Jean, était décédé en janvier 2005 - et contrariée parce qu'ils n'étaient pas d'accord sur la prochaine destination de vacances.
Un suicide, avait donc conclu la police, en retrouvant des doses massives d'alcool et de médicaments, d'autant que la veuve Aubry avait déjà tenté d'attenter à ses jours quatre mois plus tôt.
Mais l'accusation, aiguillonnée par le frère honni et exclu du testament, a décelé dans l'apparent suicide de la déprimée un crime presque parfait: Renard Payen et Eustache, amis diaboliques animés par le lucre, auraient lentement mais sûrement abruti la veuve à la vodka et aux somnifères des mois durant, avant de la pendre sous des apparences de geste désespéré.
"Je suis parfaitement convaincu qu'il y a eu assassinat", avait lancé l'avocat général, jeudi, lors de ses réquisitions.
Il avait réclamé "au moins 20 ans" de réclusion criminelle contre ces deux accusés "pas vraiment sympathiques".
- Dédommagements -
Mais, au-delà de la conviction, les preuves ont fait souvent défaut dans cette affaire, au cours de laquelle un non-lieu et un acquittement avaient déjà été prononcés - systématiquement contrés par le parquet.
Quelque 36 expertises en tout genre n'avaient pas permis de dégager de certitudes, ni sur l'heure de la mort, ni sur ses causes, encore moins sur le caractère ante ou post mortem de la pendaison.
Nulle signature d'un crime, mais nul alibi formel non plus, avait constaté le Cour durant les débats. Or, seule la défense peut "émettre des hypothèses", puisque seule "l'accusation a la charge de la preuve", avait rappelé l'un des avocats de la défense, Me Eric Dupond-Moretti, fustigeant les "conjectures" de l'accusation; "un roman", "du vent", selon les autres défenseurs des accusés.
A l'énoncé du verdict reconnaissant à nouveau leur innocence, Franck Renard Payen et Olivier Eustache, en larmes, n'ont pas souhaité faire de commentaires.
"A trop vouloir démontrer pour accuser, la montagne finit par accoucher d'une souris", a relevé l'un de leurs avocats, Me Nicolay Fakiroff, tandis qu'Eric Dupond-Moretti regrettait "ce procès de trop".
"Pendant dix ans, on a aveuglé la justice qui vient d'ouvrir totalement et définitivement les yeux", a pour sa part observé Me Julien Fouray, alors que le président de la cour d'assises a rappelé aux acquittés qu'ils pouvaient désormais engager une action en dédommagement pour leur détention provisoire indue.
L'héritage fait encore l'objet d'une contestation qui doit être tranchée par un tribunal civil.
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