L'écrivain italien Erri De Luca a été relaxé lundi par le tribunal de Turin (nord-ouest), qui le jugeait pour "incitation au sabotage" du chantier du tunnel Lyon-Turin, à l'issue d'un procès dont la liberté d'expression était le principal enjeu.
La juge Immacolata Iadeluca a annoncé sa décision peu après 13H00 (11H00 GMT), déclenchant aussitôt dans la salle d'audience les vivats de la centaine de partisans de l'écrivain italien, prix Femina étranger en 2002 pour son roman "Montedidio".
"Le délit n'est pas constitué", a-t-elle simplement expliqué. Ses attendus ne seront pas publiés avant deux semaines.
Le parquet, ainsi que la partie civile, la société TELT (Tunnel euralpin Lyon Turin) en charge de la section transfrontalière, auront alors une trentaine de jours pour décider de faire appel ou non.
Dans un communiqué, TELT a simplement appelé à ce que "cesse la violence", "au bénéfice d'une confrontation démocratique dans le respect de la légalité".
A l'annonce de la décision, le soulagement, et parfois les larmes, étaient visibles sur les visages des personnes venues de la petite vallée alpine du Val de Suse pour soutenir l'intellectuel, dont certaines arboraient des écharpes "Io sto con Erri" (je soutiens Erri).
Car la crainte était grande de voir l'écrivain de 65 ans partir en prison, le parquet de Turin ayant requis huit mois ferme à son encontre.
"A présent, je me sens mieux non seulement pour moi - même si j'étais prêt à assumer les conséquences pénales de cette décision - mais également pour l'air que l'on peut respirer dans ce pays", a estimé Erri de Luca devant la presse, la voix tremblante, encore sous le choc.
Ajoutant que "la lutte continue", il a annoncé son intention de se rendre en fin d'après-midi à une réunion de militants "No Tav" (non au TGV) dans le val de Suse, pour redire son opposition au chantier, un engagement "prévu de longue date".
- Saboter, un verbe "noble et démocratique" -
Avant que la cour ne se retire pour délibérer peu après 09h30 (07h30 GMT), il avait redit, lors d'une déclaration spontanée devant le tribunal, qu'il était convaincu que "la ligne soit-disant à grande vitesse en val de Suse (devait) être freinée, entravée, donc sabotée pour la légitime défense de la santé, du sol, de l'air, de l'eau d'une communauté menacée".
"Je suis inculpé pour avoir employé le verbe saboter. Je le considère noble et démocratique", avait-il estimé, défendant sa liberté de parole.
Lors de la précédente audience, Erri De Luca avait confié s'attendre "au maximum", soit cinq ans de prison ferme et s'était dit étonné d'un réquisitoire qu'il avait jugé "a minima".
"Erri De Luca a bien utilisé le mot sabotage", avait fait valoir de son côté avec force arguments le procureur de Turin, Antonio Rinaudo, énumérant les différentes "attaques" contre le chantier du tunnel ferroviaire ayant suivi l'entretien de l'auteur avec plusieurs médias italiens en septembre 2013.
"Ce réquisitoire est un message sur la liberté d'expression", avait répliqué M. De Luca, écologiste longtemps militant d'extrême gauche, durant une suspension d'audience.
Dans sa plaidoirie, son avocat, Me Gianluca Vitale, avait demandé la relaxe de son client, évoquant les paroles de Charles de Gaulle, qui avait déclaré "on n'emprisonne pas Voltaire" lorsque Jean-Paul Sartre s'était opposé à l'usage de la torture en Algérie.
Une pétition européenne, lancée par le comité de soutien de l'écrivain, a reçu la signature de plus de 500 personnalités du monde de la culture, issues de 20 pays différents.
Début janvier, 47 opposants au chantier avait été condamnés à des peines de prison ferme pour des heurts violents avec la police italienne en juin et juillet 2011, tandis que six autres avaient été acquittés.
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