Le XV de France a acté par une terrible humiliation (62-13) face aux All Blacks samedi en quarts de finale de Coupe du monde son recul sur la scène internationale, fruit d'une longue dégringolade qui appelle une remise à plat du système.
+ LA SONNETTE D'ALARME
Marqués par la terrible défaite mais aussi inquiets pour l'avenir, plusieurs joueurs du XV de France ont dressé samedi soir dans les coursives du Millennium Stadium un portrait préoccupant de la situation des Bleus.
"Il y a plusieurs classes d'écart et c'est un écart qui se creuse de plus en plus au fil des ans", analyse ainsi d'une voix blanche l'ouvreur Frédéric Michalak, international depuis 2001. "Il y a des petites équipes qui deviennent plus grandes. La France va se retrouver de plus en plus loin si ça continue comme ça."
"Je pense qu'il y a un système à revoir", poursuit-il. "Ça n'excuse pas le match qu'on a fait, on en a pris 60, on assume. Mais il y a des choses à faire que toutes les nations font sauf nous."
Le deuxième ligne Pascal Papé, visage fermé, tient lui aussi à lancer "une alerte", affolé par le calendrier qui essore les joueurs, les constantes rivalités entre les clubs et la Fédération sur la mise à disposition des internationaux, mais aussi par les différences entre le jeu pratiqué en Top 14 et celui du niveau international.
"A nous de discuter, écouter les joueurs, faire en sorte que tout le monde tire dans le sens de l'équipe de France", plaide-t-il.
"Il faut que nous (les joueurs) on ouvre notre gueule aussi, car c'est nous qui sommes sur le terrain", poursuit-il. "Si on a envie que les jeunes aient des résultats plus tard, il faut qu'on prenne en compte leurs paroles. Si on continue toutes ces gué-guerres, je crois qu'il n'y aura jamais un magicien en équipe de France."
+ EFFET BOULE DE NEIGE
Quand la situation a-t-elle commencé à déraper ? A quel moment la Fédération (FFR) a-t-elle laissé passer le premier, le deuxième ou le troisième wagon en termes de protection et de formation de ses joueurs de haut niveau ?
Difficile de le dater précisément. Longtemps, les performances en Coupe du monde (finales en 1987, 1999, 2011; demi-finales en 1995, 2003, 2007), fruits d'exceptionnels mois de préparation, ont masqué l'incurie des dirigeants. La déroute de novembre 1997 face à l'Afrique du Sud (52-10) avait provoqué un électrochoc au sein du rugby français, sommé d'abandonner sa vision trop romantique et amateure du jeu, pour enfin s'intéresser au développement physique. Quelques années fastes avaient suivi, avec six victoires dont quatre Grands Chelems dans le Tournoi des cinq (puis six) nations (1997-2007), mais aussi un appauvrissement du jeu français, très marqué par le défi physique. Avec entre temps quelques sévères déculottées symptomatiques (All Blacks 1999, 2004, 2006, 2007 ou Australie 2010).
Dans le même temps, le championnat n'a cessé de grandir, devenant le plus lucratif et attractif au monde, malgré son jeu principalement basé sur le combat. Trop sûre d'elle, ou bien aveugle, la FFR semble ne pas avoir mesuré les conséquences de cet essor pour ses meilleurs joueurs, soumis aux cadences infernales, et pour ses espoirs, privés de temps de jeu. Car depuis 2007, la France n'a cessé de reculer sur la scène internationale, en dépit d'une finale de Coupe du monde en 2011. Une seule victoire dans le Tournoi en 2010 (Grand Chelem), des succès de plus en plus sporadiques face aux grandes nations. Désormais cantonnée au 7e rang mondial, la France ne joue plus dans la cour des grands.
+ QUI PAYE DECIDE
Samedi soir, plusieurs joueurs ont maladroitement exprimé leur embarras en rappelant que leur employeur principal restait leur club qui les paye bien (jusqu'à 500.000 euros par an pour un international français).
Force est de constater que les nations qui réussissent le mieux sont celles qui ont placé l'équipe nationale au coeur des priorités, à l'image de l'Irlande en Europe, ou bien sûr de la Nouvelle-Zélande. Seulement, en France, la balance penche désormais du côté du rugby professionnel de clubs. Très symboliquement, depuis un an, le budget de la Ligue (136, 5 M EUR) est devenu supérieur à celui de la Fédération (105 M EUR) grâce à la manne des droits télévisuels. Pourtant forte de 438.000 licenciés, la FFR peine à réagir et cherche désespérément de nouvelles ressources, à l'image de son hypothétique stade qui coûterait beaucoup avant de rapporter.
En attendant, le XV de France patine et survit comme il peut au milieu de ses pairs. "La sensation que j'ai, c'est que nous on progresse à 10 km/h et d'autres à 20 km/h", résume ainsi le désormais ancien sélectionneur Philippe Saint-André.
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