Après le vote à l'Assemblée du budget controversé de l'aide juridictionnelle, le mouvement de grève des avocats opposés à cette réforme de Christiane Taubira s'est durci vendredi, avec un appel à une grève générale des avocats pour lundi lancé par le bâtonnier de Paris.
"Non à une justice low cost!", "non à l'impôt Taubira!, "sauvons l'aide juridictionnelle!": plusieurs centaines d'avocats en robes noires, brandissant des affichettes, ont manifesté vendredi sur les marches du Palais de justice du Paris.
"C'est l'ensemble du barreau qui est là aujourd'hui", s'est félicité le bâtonnier Pierre-Olivier Sur, en constatant l'ampleur de la mobilisation. "C'est la première fois que les grands cabinets d'affaires se joignent à nous sur l'aide juridictionnelle", a-t-il dit à la presse.
L'aide juridictionnelle (AJ) permet aux plus démunis d'accéder aux services d'un avocat.
Prenant la parole devant ses confrères, le bâtonnier de Paris a fustigé le projet de réforme de l'AJ porté par la garde des Sceaux, accusée de vouloir "passer en force contrairement à ses promesses", après le vote à l'Assemblée nationale de mesures controversées sur le financement de la réforme.
Pomme de discorde avec la profession, l'article 15 du projet de loi de finances voté jeudi soir prévoit, entre autres, un prélèvement de cinq millions d'euros en 2016 et dix millions d'euros en 2017 sur les intérêts de fonds placés dans des caisses (Carpa) gérées par les avocats.
Le montant de ces produits financiers serait de 75 millions d'euros, selon la Chancellerie. Mais les avocats refusent de cotiser directement au budget de l'AJ, arguant qu'ils participent déjà largement à son fonctionnement, pour lequel ils s'estiment mal rémunérés.
"Puisque cette disposition scélérate a été votée, nous nous mettrons en grève générale lundi", a lancé le bâtonnier de Paris sous les applaudissements. "La grève générale veut dire que si jusqu'à cette semaine nous ne désignons pas d'avocat, la semaine prochaine nous appellerons les confrères à ne plus plaider", a expliqué le représentant des avocats parisiens.
- 'Inférieur au smic horaire' -
Contacté par l'AFP, le président du Conseil national des barreaux (CNB), Pascal Eydoux, a indiqué qu'il examinait également l'éventualité d'appeler à une grève générale des avocats dans toute la France. Si ces appels étaient suivis, cela pourrait conduire à une paralysie des tribunaux.
Le CNB avait lancé mardi un premier mouvement de grève qui vendredi, selon son pointage, était suivi par 126 des 164 barreaux de France. Mais ce mouvement qui a déjà perturbé le fonctionnement des juridictions, était souvent limité à la suspension des permanences pénales et des commissions d'office.
Jeudi sur France Inter, la garde des Sceaux Christiane Taubira est restée ferme sur son projet de réforme, se disant convaincue qu'une clarification de son projet ferait "tomber la tension".
Le système actuel est "à bout de souffle" et le réformer est indispensable si on ne veut pas le voir imploser", avait justifié la ministre.
Elle avait en outre expliqué avoir augmenté le budget de l'AJ depuis son arrivée et souligné que son projet prévoyait d'autres augmentations ainsi qu'une revalorisation de l'unité de valeur (UV) servant à rémunérer les avocats pour leurs interventions.
"La commission d'office est passée de 300 euros à 180 pour 24 heures de garde à vue alors qu'on est bloqué toute la journée, c'est inférieur au smic horaire", a dénoncé sur place l'avocate Anne Gréco.
"A Paris, on n'est pas trés nombreux à l'AJ mais en province si, et ils ne vont plus y aller avec de tels tarifs. Résultat, les plus démunis n'auront plus d'avocat", a prévenu Emmanuelle Hauser-Phelizon, déléguée du bâtonnier en charge des commissions d'office et des permanences pénales.
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