"Traumatisés" d'avoir été "traités comme des bandits", les salariés d'Air France poursuivis pour violence sortent du silence pour la première fois. Ils s'estiment désignés "coupables avant d'être jugés", par le gouvernement et la compagnie, qui a voulu selon eux "faire un exemple" pour éteindre la révolte.
Dix jours après le comité central d'entreprise d'Air France interrompu par de violents débordements, quatre d'entre eux ont rencontré un journaliste de l'AFP. Seuls deux ont parlé, lors de cet entretien qui sera "le premier et le dernier" accordé aux médias, prévient Mehdi Kemoune de la CGT, présent à leur côté.
Visages fermés, traits tirés, aucun ne souhaite s'étendre sur son rôle dans la manifestation du 5 octobre au siège d'Air France, contre les 2.900 suppressions de postes envisagées, qui a dégénéré.
Sous la double menace d'une condamnation pénale et d'un licenciement, les salariés incriminés l'affirment : "on n'a rien fait", d'ailleurs la police n'a "pas assez de preuves".
Deux dirigeants d'Air France avaient alors été molestés et obligés de s'enfuir, leurs chemises déchirées, en escaladant des grilles. Quatorze plaintes ont été déposées après ces violences: neuf émanant de vigiles et cinq de cadres de l'entreprise.
"Je ne regrette pas d'avoir participé à une manifestation pour sauver mon boulot", lâche simplement David (prénom modifié). "On est venu là pour nos emplois, pas pour casser".
Le nouveau plan de restructuration, "c'est une catastrophe sociale", dit Mickaël (prénom modifié). "C'est des divorces, des pertes de maison, de vie c'est injustifié", soupire-t-il.
- "Terroriste" -
Tous gardent en mémoire la date du "12 octobre", jour de leur interpellation, à l'aube et devant leurs familles.
Après une nuit de travail, Mickaël trouve trois policiers devant son domicile, peu après 6H00 du matin. "Ils ont fouillé chez moi, j'avais l'impression d'être un terroriste".
"Le pire c'est pour les enfants", qui s'interroge selon lui: "Il a disparu papa, qu'est-ce qu'il a fait?"
Direction la Police aux Frontières (PAF) à Roissy, en charge de l'enquête, pour être interrogés.
David se dit personnellement "traumatisé par la garde à vue". "Nous aussi on s'est fait violenter", alors qu'une simple convocation suffisait selon eux.
Depuis sa sortie, mardi soir, il affirme voir un psychiatre. "Je ne dors pas vraiment, je ne mange plus", dit-il dans un souffle.
"Je n'ai jamais eu de problème avec la justice, c'est vraiment dur psychologiquement d'être traité comme un bandit", poursuit Mickaël.
- "Plus bas que terre" -
A plusieurs reprises, ils affirment que leur "présomption d'innocence" a été balayée dans le flot de réactions qui ont suivi le 5 octobre. "Des voyous", avait notamment tonné le Premier ministre Manuel Valls.
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