Le président catalan indépendantiste Artur Mas comparaît jeudi devant la justice espagnole pour s'expliquer au sujet d'un référendum sans valeur légale sur l'indépendance, organisé en 2014 en bravant l'interdit de la Cour constitutionnelle espagnole.
L'audience est présentée par ses partisans comme une tentative de plus de réprimer le sécessionnisme, même si le Tribunal supérieur de justice de la région (équivalent de la cour d'appel) a attendu que les élections régionales en Catalogne, remportées par les indépendantistes, soient passées pour lancer la convocation aux fins d'inculpation.
Hasard du calendrier, le rendez-vous judiciaire a été fixé pour ce jeudi, un 15 octobre, date anniversaire importante pour les partisans de la séparation d'avec l'Espagne: c'est le jour de la mort de leur héros LLuis Companys, fusillé par des soldats du dictateur Francisco Franco au château de Montjuic, une forteresse militaire, il y a 75 ans.
Lluis Companys, président catalan à l'époque, avait, six ans plus tôt, proclamé un éphémère "Etat catalan de la République fédérale espagnole", le 6 octobre 1934, pendant une dizaine d'heures.
Le président de la Generalitat Artur Mas ira donc, jeudi au petit matin, rendre hommage à son illustre prédecesseur au château de Montjuic, qui surplombe Barcelone, au côté de la maire de la ville, Ada Colau.
Il déposera des fleurs, puis se rendra au Palais de justice (audience provinciale) où il est attendu à partir de 10H00 (08H00 GMT).
Il devrait se rendre à ce rendez-vous entouré de l'ensemble de l'exécutif catalan, comme l'ont fait avant lui deux autres responsables convoquées mardi, Joana Ortega, la vice-présidente, et Irene Rigau, chargée de l'Education.
- 'Rébellion démocratique' -
Là se jouera le premier aboutissement judiciaire d'années de passes d'armes entre Barcelone et Madrid sur la possibilité ou non de consulter les Catalans sur l'indépendance de leur puissante région de 7,5 millions d'habitants, aux relations houleuses avec le pouvoir central depuis des décennies.
M. Mas est convoqué pour avoir décidé d'organiser le 9 novembre 2014, au nom de la "liberté d'expression", une "rébellion démocratique" sous forme de consultation sans valeur légale sur l'indépendance de la Catalogne, le gouvernement national (conservateur) de Mariano Rajoy lui ayant refusé depuis 2012 l'organisation d'un référendum d'autodétermination.
Près de 2,3 millions de personnes y avaient participé et 1,9 million s'étaient prononcées pour l'indépendance. La consultation avait cependant été interdite par la Cour constitutionnelle, saisie par le gouvernement.
La Cour, dont la majorité des juges sont de tendance conservatrice, avait conclu que le président catalan abordait ainsi un sujet national, l'unité de l'Espagne, qui n'était pas de sa compétence.
Mais le président de la Generalitat avait ignoré cette interdiction. Jeudi matin, M. Mas se verra donc formellement notifier des poursuites pour "désobéissance civile", "détournements de fonds publics" et "usurpations de fonctions". En théorie, ces délits peuvent entraîner son inhabilité (incapacité légale).
Selon son entourage, M. Mas, qui estime qu'on lui fait un procès "politique", devrait refuser de répondre aux questions du procureur - le représentant de l'Etat - mais pas du juge.
Cette audience intervient moins d'un mois après la victoire le 27 septembre des indépendantistes aux régionales, avec une majorité absolue des sièges au Parlement régional (72 sur 135).
Les séparatistes entendent faire sécession en 2017 au plus tard, bien qu'ils n'aient pas la majorité absolue des voix (47,8% des suffrages), témoignage de la profonde division de la société catalane sur la question de l'indépendance.
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