Né Shahzad au Pakistan, il est devenu Sylvestre en arrivant en France à 9 ans. Chef au profil atypique, Sylvestre Wahid est aujourd'hui à la tête du restaurant gastronomique de l'Hôtel Thoumieux à Paris, auquel il a donné son prénom.
Dans cet établissement du VIIe arrondissement appartenant à Thierry Costes, il a remplacé depuis septembre Jean-François Piège, parti installer son Grand Restaurant de l'autre côté de la Seine.
Au restaurant Sylvestre, il compose une cuisine d'une grande fraîcheur, comme une eau de concombre et cannelloni végétal, où abondent les fleurs. Sa carte fait aussi une large place aux poissons, comme l'omble chevalier du lac de Grand-Lieu (Loire-Atlantique). Soucieux de diététique, il a réduit le sel et privilégie les cuissons rapides.
Le sel, il le propose aux convives en quatre versions, plus ou moins iodées, aux cristaux variés: sel bleu de Perse, noir de Hawaï, rose de l'Himalaya, fleur de sel de Camargue. Le but: que "les gens s'approprient l'assaisonnement, qu'ils utilisent leurs mains, s'amusent un peu", explique le chef de 40 ans.
De son enfance au Pakistan, où il n'est jamais retourné, Sylvestre Wahid a gardé le souvenir des jardins et potagers familiaux et des plats concoctés par sa mère comme les lentilles, ou une sauce à base de yaourt grec, coriandre et menthe.
Né à Kohat, dans le nord-ouest du pays, non loin de la frontière afghane et des zones tribales, il est âgé de quelques années seulement quand son père décide de partir pour l'Europe, laissant derrière lui sa femme, institutrice, et quatre enfants en bas âge.
Un père qui finit par s'engager dans la Légion étrangère, obtient la nationalité française cinq ans après, et fait venir sa famille à Nîmes où il est basé, en 1984.
- Un frère chef pâtissier -
L'arrivée en France est un choc: "Imaginez ce qui se passe dans la tête de quatre enfants à qui on donne un chariot pour aller faire des courses au supermarché, on n'avait jamais vu ça!"
A Nîmes, cette famille musulmane inscrit ses enfants à l'école catholique. Les deux soeurs et deux frères adoptent des noms français: Shahzad devient Sylvestre. L'obsession des parents: l'intégration, le plus rapidement possible.
Mais l'école n'est pas son fort, il arrête à 15 ans. Un été, il travaille au mess des officiers à Castelnaudary, découvre les poulardes, les cochons rôtis à la broche, les truffes et prend sa "première cuite au Dom Pérignon".
Sa vocation naît, au désespoir de sa mère au départ: "Elle m'a dit: +je n'ai pas fait venir mes enfants en France pour qu'ils fassent cuisinier!+"
Il persiste et après un stage chez un pâtissier, fait ses débuts auprès de Thierry Marx. Il y apprend les bases, passe son CAP, puis son BEP. Après l'armée, il rejoint la galaxie Ducasse, passant par le Plaza Athénée, puis par New York et par le centre de formation d'Alain Ducasse.
De 2005 à 2014, il est le chef de L'Oustau de Baumanière, deux étoiles aux Baux-de-Provence, où il fait venir son frère Jonathan, chef pâtissier. L'hiver, il cuisine au restaurant de l'hôtel Le Strato à Courchevel, lui aussi doublement étoilé.
Son frère, champion de France du dessert 2005, officie désormais à l'auberge de la Reine Jeanne avec sa compagne Fanny Rey, ex-finaliste de Top Chef.
Les débuts ne sont pas aisés: "J'en ai entendu des vertes et des pas mûres, comme +On a vendu L'Oustau de Baumanière à des Pakistanais!+" Des réactions qui l'incitent à rester en cuisine, auprès de ses équipes, sans se montrer en salle.
Le racisme, ce brun élégant dit en avoir souffert, mais n'en garde aucune "rancune" et ne s'appesantit pas sur le sujet: "Je préfère me concentrer sur mon travail, dire aux gens: +Jugez-moi sur ma cuisine, pas sur ma couleur de peau+."
La cuisine est selon lui un milieu "de moins en moins conservateur, avec la télé, l'internationalisation, l'ouverture d'esprit et plus de filles en cuisines".
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