Un professeur de philosophie, anti-héros désabusé et dépressif, mais bien sûr irrésistible, revient à la vie en fomentant le crime parfait: avec "L'Homme irrationnel", qui sort en salles ce mercredi, Woody Allen offre une tragi-comédie enlevée.
Présentée hors compétition au dernier Festival de Cannes, la dernière livraison du prolifique Woody Allen, très fidèle à ses obsessions, ne surprendra pas, mais déroule répliques drolatiques et rebondissements divertissants.
Le film permet de retrouver la pétillante rousse Emma Stone à la carrière météorique. L'actrice américaine joue une jeune étudiante qui tombe amoureuse de son professeur de philosophie torturé, forcément plus âgé.
Woody Allen dirige pour la première fois l'acteur Joaquin Phoenix, dans le personnage d'Abe Lucas, charismatique tombeur de ces dames malgré son petit bedon et sa fiole de whisky à portée de main. Mais le professeur a perdu toute joie de vivre.
Il estime que ses cours auront peu d'influence sur les vies conventionnelles de ses étudiants, il a passé sa vie à écrire des articles savants uniquement lus par ses pairs, il est abattu par la laideur du monde
L'intrigue se noue dans l'université d'une petite ville de la côte Est. Le professeur de philosophie, que Woody Allen (79 ans) aurait sans doute incarné plus jeune, énonce sa vision du monde emplie de noirceur à ses étudiants médusés.
Il entame une liaison avec une prof de sciences malheureuse en couple (incarnée par Parker Posey) et subit les assauts de sa meilleur étudiante (Emma Stone).
Abe Lucas va retrouver sa joie de vivre, son sourire, son appétit et sa libido grâce à une décision irrationnelle et insolite. Il fomente un meurtre, moralement justifié à ses yeux, bouleversé après avoir entendu fortuitement une conversation. "Tuer est un acte de créativité", s'enthousiasme le professeur, convaincu que la planète se porte mieux sans sa victime.
Le choix de commettre un meurtre est aussi "irrationnel" que "de croire au paradis", remarquait Woody Allen à Cannes. "Vous faites des choix dans la vie et vous allez de l'avant!"
- Kant inutile dans la vraie vie -
Quant à la jeune étudiante, qui met sur un piédestal ce professeur désaxé, elle recevra en plein visage une leçon de vie qui va davantage la marquer que ses lectures philosophiques, note Woody Allen.
Le cinéaste américain s'est toujours nourri des philosophes, tout en les tournant parfois en dérision. "Je ne jette pas Kant à la poubelle", mais ses conseils "ne sont pas fiables" pour prendre "des décisions quotidiennes terre à terre", explique-t-il.
Après l'esthétique romantique de son précédent "Magic in the Moonlight", campé dans les années 20, sur un prestidigitateur anglais qui tente de démasquer une jeune médium américaine, Woody Allen reprend ici une veine réaliste rappelant notamment son long métrage plus sérieux sur fond d'assassinat, "Match Point" (2005).
"Nous allons tous terminer dans une mauvaise posture un jour" et "nous vivons dans un monde aléatoire où tout va disparaître", lâche Woody quand on l'interroge sur sa vision pessimiste de la vie. "Face à la réalité déprimante", il a choisi de "distraire" les autres et "se distraire".
"Je me distrais en faisant des films et c'est une merveilleuse distraction", ironise-t-il.
"J'ai toujours voulu être un réalisateur sérieux", ajoute cet admirateur d'Ingmar Bergman. "Si on m'avait laissé le choix, j'aurais fait toute ma vie des films prise de tête."
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