Haneen, 13 ans, a vécu des années dans des orphelinats en Irak où, prostrée, elle passait ses journées à regarder la télé, grignoter et dormir, jusqu'à sa rencontre avec le théâtre.
La semaine dernière, cette adolescente irakienne est apparue rayonnante sur la scène d'un théâtre de Bagdad, vibrante de joie et d'émotion face à un tonnerre d'applaudissements.
"Maintenant, je suis heureuse. Je chante, je danse, je plaisante avec mes amis de l'orphelinat", confie-t-elle à l'AFP. "J'ai changé. Les gens me disent +Qu'est ce qu'il s'est passé? Es-tu devenue folle?+".
La thérapie par le théâtre est à l'origine de la transformation de Haneen. Dans un pays marqué par des décennies de dictature, de guerres, de sanctions économiques et de violences au quotidien, la Fondation Ruya pour la culture contemporaine a décidé de promouvoir cette pratique pour soigner les traumatismes de la population.
La pièce jouée par Haneen et d'autres orphelines de Bagdad sur les planches du Théâtre Forum, un centre artistique avant-gardiste dans un bel immeuble historique bordant le Tigre, est l'aboutissement d'un travail de plusieurs mois.
Six comédiens irakiens professionnels ont d'abord été entraînés à Beyrouth par Catharsis, un centre de thérapie par le théâtre dirigé par Zeina Daccache, connue pour son travail avec les prisonniers et les travailleurs migrants au Liban.
Bassem Altayeb a été l'un des stagiaires. De retour en Irak, il a pris l'initiative d'aider un petit groupe d'adolescentes de l'orphelinat de Dar al-Zuhur à Bagdad à monter une pièce parlant de leurs problèmes.
"L'histoire parle de filles qui affirment +Nous avons le droit de vivre, d'être protégées et d'avoir des rêves+", explique-t-il. A travers le théâtre, "chacune a trouvé une certaine confiance en soi et de l'amour-propre".
- 'Libérées' -
Dans une scène à la fois troublante et tragique, l'une des adolescentes, déguisée en vieillard aux cheveux blancs, conduit une jeune mariée tenant sa poupée vers la chambre nuptiale.
Mariages précoces, enfances brisées, inégalités sociales: la pièce évoque les problèmes de la société irakienne de manière à la fois tranchante et humoristique.
Les politiciens ne sont pas épargnés par la troupe de comédiens qui se fait l'écho du désespoir poussant des jeunes Irakiens à un périlleux exil vers l'Europe.
La directrice de l'orphelinat Iman Hassoon, les yeux humides d'émotion, se dit "fière" de la performance de ses pensionnaires-actrices. "J'espère qu'elles pourront utiliser l'énergie qu'elles ont trouvée pour se protéger et trouver leur place dans la société".
Le défi est immense car, outre la violence omniprésente, la société irakienne "est une société pour les hommes, pas vraiment pour les femmes", estime Furat al-Jamil, une artiste irako-allemande qui travaille avec la Fondation Ruya. Les jeunes orphelines sont donc "particulièrement vulnérables", souligne-t-elle.
Mme Hassoon témoigne que "des hommes viennent parfois à l'orphelinat pour adopter l'une des filles". Mais elle a toujours refusé de peur de voir les adolescentes finir employées de maison ou prostituées.
"La première fois que la Fondation Ruya a visité l'orphelinat, les filles étaient timides, elles se cachaient, toutes portaient un foulard. Maintenant vous les voyezlibérées", se félicite Furat al-Jamil.
Après la pièce, les adolescentes sont elles-mêmes surprises de leur transformation. En voyant le public se lever pour les ovationner, Ruqayyeh, 13 ans, qui joue la jeune mariée, fond en larmes.
"J'ai toujours rêvé d'être une actrice, de jouer sur scène mais j'étais déprimée et gagnée par l'ennui, personne n'aimait être en ma compagnie. Maintenant tout a changé et les filles m'adorent."
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