Reclus dans un appartement insalubre, privé d'école et "livré à lui-même", un garçon de 8 ans victime d'un divorce conflictuel a été libéré cette semaine par la police de Mulhouse, après trois ans de séquestration par son père, désormais sous les verrous.
L'enfant, confié à une famille d'accueil, n'a pas subi de violence physique, mais présente des "carences éducatives très graves", a raconté samedi le procureur de Mulhouse, Dominique Alzeari, lors d'une conférence de presse.
Il vivait avec son père dans un appartement d'un immeuble de quatre étages proche de la gare de Mulhouse, un logement "totalement insalubre, d'une saleté repoussante", et "très sommairement meublé". Il n'était "ni suivi médicalement, ni scolarisé".
Son père, qui voulait le "soustraire" à sa mère dont il était séparé, bien que celle-ci en ait obtenu la garde, "lui avait appris à parler doucement pour ne pas qu'on l'entende", selon le magistrat.
L'enfant, "pas du tout éduqué", sortait "à peine de temps à autre, juste pour faire quelques courses avec son père". Mais "l'essentiel du temps", et notamment lorsque son père travaillait, il restait "absolument livré à lui-même", avec pour seule compagnie la télévision. Il ne pouvait pas sortir, et avait pris une "habitude de prostration", a précisé le procureur.
Interrogés par l'AFP samedi, au lendemain de la révélation du drame, les voisins confiaient n'avoir jamais remarqué qu'un enfant habitait dans l'appartement du deuxième étage. "Non non, on n'a rien remarqué, l'enfant n'est jamais sorti, il n'était jamais à la fenêtre", confie ainsi une dame habitant de l'autre côté de la rue. Le père, "c'est quelqu'un de très discret, j'ai jamais entendu un bruit, rien du tout", confirme un voisin de palier.
Placé vendredi en détention provisoire, le père, un ressortissant tunisien âgé de 37 ans, encourt 30 ans de réclusion. Il a été mis en examen pour enlèvement, séquestration et soustraction à ses obligations parentales, cette dernière qualification étant, selon le procureur, "la plus importante".
Cependant pour son avocat, Me Jean-Marc Fuchs, "il n'y a ni enlèvement, ni séquestration", mais une situation qui "relève d'un conflit familial comme il y en a beaucoup d'autres".
- "un père aimant", selon son avocat -
"La situation n'a pas été prise par le bon bout, mais c'est un père aimant", a ajouté l'avocat, soulignant qu'au début du conflit entre les parents, "c'est l?enfant qui a demandé à aller chez son père. Il n'a pas du tout été enlevé".
Les parents, qui vivaient à Nice, sont séparés depuis octobre 2010. Après que le père eut quitté la Côte d'Azur en octobre 2012 avec son fils, la mère a déposé plainte en 2013, déclenchant les investigations de la justice pour retrouver le père et l'enfant. Ce n'est qu'en février 2014 qu'elle obtient officiellement la garde du garçon, mais le père "n'avait pas connaissance" de cette décision, selon son avocat.
En outre, "l'enfant n'est nullement dans un état de santé déplorable (). Il n'était pas scolarisé à l'école, et c'est son père qui s'en chargeait", a souligné Me Fuchs.
Les enquêteurs avaient un temps retrouvé la trace du père à Tournus (Saône-et-Loire), mais sans pouvoir le localiser précisément, puis finalement à Mulhouse, où il a été retrouvé via un de ses anciens employeurs. C'est en venant récupérer un solde de tout compte auprès de cette entreprise que l'homme a été arrêté par la police, qui était venue l'attendre. Il a ensuite indiqué aux enquêteurs l'adresse où se trouvait l'enfant.
"Il a reconnu lui-même qu'il a fait n'importe quoi, qu'il n'a pas été à la hauteur, qu'il ne s'est pas bien occupé de l'enfant", a souligné M. Alzeari, relevant que le mis en examen avait essayé de se justifier en affirmant, à propos de l'enfant, que la mère "ne l'éduquait pas bien, ce qui n'est absolument pas avéré".
Alertée, la mère s'est rapidement déplacée à Mulhouse, mais son fils a manifesté "peu de désir de la revoir", car il a subi une "coupure énorme" et est "en perte total de repères vis-à-vis" d'elle, selon le procureur. "Il faut aller doucement pour éviter de le perturber plus", a-t-il ajouté.
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