Des syndicalistes portant un cercueil, des profs de latin arborant une couronne de lauriers et quelques parents qui redoutent une "école bas de gamme": plusieurs milliers de manifestants défilaient samedi après-midi à Paris contre la réforme du collège.
Sous un beau soleil d'automne, le cortège s'est élancé après 14H00 depuis Port-Royal, en direction du ministère de l'Éducation nationale, derrière une banderole réclamant l'"Abrogation de la réforme, un autre projet pour le collège". L'intersyndicale d'une dizaine d'organisations à l'origine de la mobilisation a demandé à être reçue en fin d'après-midi par la ministre Najat Vallaud-Belkacem.
"Ce qui risque de se passer si la ministre s'obstine, c'est que la réforme risque de s'étioler et de perdre de sa substance", a prévenu, dans le défilé, Frédérique Rolet, co-secrétaire générale du Snes, premier syndicat d'enseignants dans le secondaire, qui tablait la veille sur "une des plus grandes manifestations du second degré de ces dernières années".
Elle en veut pour preuve une faible participation annoncée aux formations à la mise en ?uvre de la réforme, proposées aux profs pendant les vacances de la Toussaint. "Il ne s'agit pas d'un malentendu, mais d'un refus", a-t-elle insisté.
Najat Vallaud-Belkacem, déterminée à appliquer coûte que coûte sa réforme à la rentrée 2016, avait estimé fin août qu'un "malentendu" s'était "installé" avec les enseignants.
Parmi les points phares de sa réforme figurent plus d'interdisciplinarité (cours mêlant par exemple français et histoire), une autonomie accrue des établissements, une deuxième langue vivante dès la cinquième et un accompagnement personnalisé pour tous les élèves. Mais aussi la disparition d'une grande partie des classes bilangues (où deux langues étrangères sont enseignées dès la sixième), la fin des options latin-grec remplacées par des modules langues et culture de l'Antiquité
Autant de mesures destinées selon le gouvernement à "rebooster" le collège et à améliorer l'égalité des chances, point faible du système français d'après les études internationales.
- 'Professeurs pas fossoyeurs' -
Mais, pour le Snes, le résultat risque d'être tout autre: "inégalités croissantes entre les élèves, les établissements et les personnels", "destruction progressive" de l'enseignement par discipline, "augmentation de la charge de travail", "remise en cause de la liberté pédagogique" des enseignants, etc.
La réforme a réuni dès le printemps contre elle une coalition hétéroclite de syndicats, politiques de droite mais aussi de gauche, et intellectuels. Trois journées de grève en mai, juin et septembre ont été diversement suivies.
Dans le défilé, des pancartes affichent les slogans "professeurs, pas fossoyeurs", "Najatas satanas" ou "on veut du blé pas des EPI", en référence aux enseignement pratiques interdisciplinaires décriés par les opposants.
Des enseignants de la langue de Goethe, inquiets pour leur discipline, portent sur eux les couleurs du drapeau allemand, tandis que des profs de latin et grec arborent des couronnes de laurier ou des casques romains
Tout de noir vêtus, des membres du Snalc portent un cercueil. "On enterre la réforme", espère le président de ce syndicat classé à droite, François Portzer. "La ministre n'a pas pris la mesure du mécontentement."
Caroline Chandellier, un autocollant "parents d'élèves" sur sa veste, est venue avec les profs du collège public La-Fontaine d'Antony (Hauts-de-Seine). Pour elle, "le gouvernement veut une école bas de gamme" avec "de moins en moins d'heures pour les disciplines", "on est en train de dégoûter ceux qui ont envie de travailler".
Parmi les politiques, le député de l'Essonne Nicolas Dupont-Aignan, président de Debout la France, a fait savoir qu'il participerait à la manifestation pour dénoncer la réforme qui risque, selon lui, de "sonner le glas de l'école de la République telle que nous la souhaitons".
Le Front national a aussi apporté son soutien aux manifestants pour demander "l'annulation" de cette "funeste réforme".
Bruno Lemaire, premier au sein du parti Les Républicains à avoir bataillé contre Najat Vallaud-Belkacem au printemps, est en revanche absent car "il ne participe pas à des manifestations", bien qu'il reste farouchement opposé à la réforme.
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