Le Prix Bayeux-Calvados des correspondants de guerre remet samedi à 18h00 ses récompenses, après une 22e édition marquée par l'hommage aux victimes de l'attentat de Charlie Hebdo en présence de Riss, et la Syrie, de plus en plus difficile à couvrir.
"On n'avait jamais imaginé que des noms de collaborateurs de Charlie Hebdo se retrouveraient" sur une stèle du Mémorial des reporters tués dans l'exercice de leur fonction, à Bayeux, a souligné jeudi, lors d'une cérémonie dans ce cimetière des journalistes, le dessinateur Riss, grièvement blessé à l'épaule lors de l'attentat du 7 janvier.
Mais "la guerre est venue à nous" avec la fusillade au siège du journal, a ajouté le patron de Charlie Hebdo. Il était accompagné du directeur financier du journal, Éric Portheault, à cette cérémonie organisée par le Prix Bayeux, grand rendez-vous en France des reporters internationaux qui a démarré lundi.
Une stèle a été dévoilée avec 66 noms de journalistes tués entre mai 2014 et juin 2015, dont huit à Paris, une première: les collaborateurs de Charlie Hebdo, Cabu, Charb, Elsa Cayat, Honoré, Bernard Maris, Mustapha Ourrad, Tignous, Wolinski.
"Ce sont nos libertés à tous qui sont menacées, pas seulement celles des journalistes, nos libertés de penser () d'aller et venir comme on veut, paisiblement, et dans l'insouciance, dans un train, sans être dans l'angoisse", a ajouté le dessinateur qui vit encadré par un lourd dispositif de sécurité.
"Aujourd'hui on peut perdre la vie pour un bon mot, un dessin", a ajouté Christophe Deloire, le secrétaire général de Reporters sans Frontières (RSF).
Un hommage a également été rendu aux journalistes morts en Syrie (51 depuis le début du conflit en 2011).
-"couvrir de l'extérieur"-
"J'espère que la violence va cesser et que les journalistes syriens vont pouvoir avoir les même droits que les autres", a témoigné Lina Chawaf, rédactrice en chef de la radio syrienne Rozana basée à Paris et en Turquie, qui travaille depuis 2013 avec environ 70 journalistes en Syrie. L'un d'entre eux a son nom sur la stèle après avoir été tué en 2014. Mais d'autres, morts des tortures du régime syrien, ne le peuvent pas car leurs familles sont menacées de mort par le régime.
"Aujourd'hui la Syrie, on est obligés de la couvrir de l'extérieur en grande partie", a expliqué vendredi Garance Le Caisne, auteur d'un livre paru mercredi sur "César", un ex-photographe de la police militaire syrienne qui s'est enfui de Syrie, avec 55.000 photographies de corps torturés.
Mais même si le journaliste y est devenu un témoin à éliminer, "quand on a une fenêtre de tir, il faut y aller", a ajouté la journaliste interrogée lors d'une émission sur France Inter diffusée depuis Bayeux.
Couvrir de l'extérieur, "ça demande beaucoup plus de travail, des contacts avec Skype, des rapports des ONG à éplucher, pour ne pas tomber dans la propagande de Daech" (acronyme arabe du groupe ultra radical Etat islamique - EI), a précisé Mme Le Caisne.
Des femmes yézidis soumises à un esclavage sexuel par l'EI aux enfants dont les parents doivent payer de lourdes rançons pour les extraire des écoles militaires et religieuses, le "fanatisme" de Daech a aussi été évoqué lors d'une "soirée grand reporters" vendredi soir.
La difficulté pour les journalistes est aussi de témoigner de cette "violence" sans faire le jeu de Daech.
"Il y a des atrocités de part et d'autres. Alors que l'EI en fait la propagande, les régimes (irakien et syrien) le cache soigneusement", a estimé vendredi Pierre-Jean Luizard, historien spécialiste du Moyen-Orient.
La détresse des réfugiés syriens et irakiens s'exprime, elle, depuis lundi dans les rues de Bayeux avec l'exposition d'une vingtaine de photos grand format.
Le jury présidé par la Britannique Carlotta Gall va décerner sept prix : Presse écrite, Télévision, Radio, Photo, Télévision Grand format, Web Journalisme et Jeune reporter.
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