Une opposante véhémente face à un président combatif: François Hollande et Marine Le Pen se sont pour la première fois confrontés directement mercredi dans l'hémicycle du Parlement européen, un événement inédit qui marque une brutale accélération de la marche vers la présidentielle de 2017.
Un président de la République française croisant le fer avec un opposant candidat déclaré à sa succession, dans une enceinte parlementaire, européenne de surcroît: l'image est rarissime, certainement inédite, le chef de l'Etat en France n'intervenant pour ainsi dire jamais devant le Parlement.
Inédite, cette séquence l'était également pour Marine Le Pen. La présidente du Front national, par ailleurs candidate aux régionales en Nord-Pas-de-Calais/Picardie, ne pouvait pas laisser passer cette occasion d'engager une confrontation avec François Hollande en présence d'Angela Merkel, treize ans après le refus de Jacques Chirac de débattre avec son père entre les deux tours de l'élection présidentielle de 2002.
Surtout, l'occasion était trop belle pour la députée européenne, portée par des sondages favorables, de s'arroger le rôle de premier opposant au chef de l'Etat au moment même où Nicolas Sarkozy et Les Républicains étaient occupés à Paris à régler tant bien que mal le cas de Nadine Morano.
C'est donc après un discours "européen" sans envolée lyrique particulière du président français que l'affrontement a débuté. Dans une intervention de trois minutes particulièrement véhémente, Marine Le Pen a accusé M. Hollande de tous les maux, le qualifiant de "vice-chancelier administrateur de la province France" sous le regard interloqué d'Angela Merkel et lui reprochant d'être "à la remorque de l'Allemagne sur la question migratoire".
Fait également inédit depuis le débat avec M. Sarkozy en 2012, François Hollande est redescendu dans l'arène, retrouvant quelques intonations de campagne électorale pour adresser une vive réponse, sans jamais la nommer, à Marine Le Pen.
- "Le casque à pointe" -
Sous les applaudissements du Parlement européen, le chef de l'Etat a brocardé "le retour aux nationalismes, aux populismes, aux extrémismes" et la "logique" de Mme Le Pen "de sortir de l'Europe, de sortir de l'euro, de sortir de Schengen et même, si vous le pouvez, de sortir de la démocratie parce que parfois, en vous entendant, je me pose cette question". Non sans avoir évoqué les deux guerres mondiales comme fondement de l'entente franco-allemande, sans doute en écho à la récente défense du Maréchal Pétain par Jean-Marie Le Pen.
"On était persuadés que Marine le Pen polémiquerait. Quelque part, c'est bien qu'il y ait un débat clair, net, tranchant avec le Front national", a analysé un conseiller du chef de l'Etat, tandis qu'un proche de M. Hollande relevait une Angela Merkel "visiblement surprise par la violence du débat politique en France".
Dans l'Hexagone, plusieurs responsables des Républicains ont sévèrement critiqué l'attitude de Mme Le Pen. "C'est inqualifiable pour une élue de la nation française de s'adresser au président de la République française dans ces conditions. C'est une honte pour le pays et je trouve qu'elle se déshonore", a estimé l'ancien Premier ministre François Fillon.
Son ancien ministre Eric Woerth a eu "honte pour Marine Le Pen" qui a "essayé de rabaisser la France", et aurait "probablement applaudi François Hollande", même si ce dernier "est responsable de cette situation à force de ne pas être président de la République".
Même tonalité à l'UDI, Jean-Christophe Lagarde jugeant "choquant et vulgaire, quand on prétend devenir présidente de la République, de chercher ainsi à humilier - on aime ou on n'aime pas François Hollande - notre chef de l'Etat devant des centaines de parlementaires étrangers".
En les regardant, "je me suis dit que le casque à pointe allait bien à Mme Le Pen et certainement pas à Mme Merkel", a ajouté M. Lagarde, qui s'est dit "content" que François Hollande la "remette à sa place".
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