La remise aux normes des voitures de Volkswagen équipées d'un moteur truqué prendra des mois, a reconnu jeudi le nouveau patron du groupe, qui a aussi renvoyé la responsabilité de la supercherie à "quelques développeurs".
Matthias Müller, qui a pris la tête de Volkswagen il y a dix jours en plein scandale des moteurs diesel, a accordé sa première interview à la presse au jour même où le groupe doit rendre sa copie aux autorités allemandes sur l'organisation d'un gigantesque rappel.
Il s'agit de remettre aux normes des millions de voitures équipées d'un logiciel capable de fausser les résultats de tests antipollution. L'affaire a éclaté fin septembre aux Etats-Unis et n'en finit pas de faire des vagues. Onze millions de véhicules dans le monde sont concernés, même si tous ne devront peut-être pas repasser au garage.
"Si tout se passe comme prévu, nous pourrons commencer le rappel en janvier, et d'ici fin 2016 tout devrait être remis en ordre", a dit le patron au Frankfurter Allgemeine Zeitung (FAZ).
L'opération est un énorme défi parce que, du fait de spécificités géographiques et selon les modèles - des voitures de marque Volkswagen sont concernées mais aussi des Audi, des Skoda et des Seat, filiales de Volkswagen - "ce ne sont pas trois solutions qu'il nous faut mais des milliers". Pour certains véhicules une manipulation informatique suffira, sur d'autres il faudra installer de nouveaux injecteurs ou catalyseurs.
- coûts en milliards -
C'est Volkswagen qui prendra les coûts en charge, des milliards d'euros. S'y ajouteront les amendes dans différents pays, les indemnités réclamées par les clients, et par les actionnaires qui s'estiment floués après la débandade du titre en Bourse (-40% en deux semaines).
Sans compter le dommage commercial, alors que la réputation de l'entreprise, géant aux 200 milliards d'euros de chiffre d'affaires annuel et récemment couronnée numéro un mondial, a pris un sacré coup. Pourtant "nous ne voyons pas d'écroulement" des ventes pour le moment, a rassuré M. Müller.
Le montant total de la facture n'est pas encore prévisible - analystes financiers et organes de presse jonglent avec des chiffres qui vont de 25 à 50 milliards d'euros -, mais le patron a d'ores et déjà annoncé la couleur aux quelque 600.000 salariés: il va falloir se serrer la ceinture, notamment sur les investissements. L'engagement dans le sport - Volkswagen sponsorise le club de foot de première division VfL Wolfsburg - sera réexaminé aussi.
Ces assurances mettaient du baume au coeur des investisseurs, et l'action prenait 6,09% à 103 euros à Francfort à 08H30 GMT jeudi.
En parallèle, la question de qui savait quoi quand continuait à agiter les esprits. Elle fait l'objet d'une enquête interne et externe chez Volkswagen, et occupe déjà la justice allemande. M. Müller a promis de "faire la lumière sur les responsabilités dans le détail".
- "quelques salariés" -
"D'après ce que je sais, seuls quelques salariés étaient impliqués", selon lui, "quelques développeurs". "Quatre personnes, dont trois directeurs responsables à différentes époques du développement des moteurs" ont été suspendues, précise M. Müller, "d'autres sont déjà à la retraite".
La presse allemande a nommé le chef du développement de la filiale Audi, Ulrich Hackenberg, ce que Volkswagen n'a pas confirmé.
"Je ne crois pas" que la direction de Volkswagen autour de Martin Winterkorn, son prédécesseur qui a rendu son tablier quelques jours après l'éclatement de l'affaire, ait été au courant, a dit M. Müller, "croyez-vous vraiment qu'un patron ait le temps de se préoccuper de la vie intérieure des logiciels de moteurs?".
M. Winterkorn, patron à partir de 2007 et féru de technique, se targuait pourtant de connaître "chaque vis" des voitures du groupe.
Le logiciel truqué a manifestement été développé en 2008, quand il est apparu qu'il était techniquement impossible de concilier les impératifs de coûts et les exigences environnementales pour proposer un "diesel propre" aux Etats-Unis.
Jeudi le patron de Volkswagen America, Michael Horn, sera entendu par une commission du Congrès américain.
Dans son interview M. Müller confirme que la supercherie a été mise sur pied à Wolfsburg, siège de Volkswagen et pas aux Etats-Unis.
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