Picasso était un génie de la peinture mais aussi un mythe: à travers 400 oeuvres, dont une centaine du peintre espagnol, "Picasso.mania" montre comment des créateurs contemporains ont réinterprété son oeuvre et son image d?artiste.
Tout le monde connaît le nom de Picasso, au point qu'il est devenu celui d'un modèle de voiture. L'artiste Bertrand Lavier en expose d'ailleurs une portière.
Cette dimension planétaire est illustrée dès le début du parcours de "Picasso.mania" au Grand Palais par des "portraits" de l'artiste venus de quatre continents: l'Asie avec les Chinois Zeng Fanzhi et Yan Pei-Ming, l'Afrique avec Chéri Samba, l'Amérique avec l'italo-américain Rudolf Stingler et l'Europe avec notamment le collectif espagnol Equipo Cronica.
Une renommée qui suscite parfois l'ironie: Maurizio Cattelan imagine un personnage avec la tête de Picasso arpentant les allées du MoMa. "Une manière de dire que l'artiste est une sorte de Mickey et le grand musée new-yorkais un parc d'attractions", commente Didier Ottinger, commissaire général avec Diana Widmaier-Picasso et Emilie Bouvard.
Quand en 1971, à l'occasion des 90 ans de Picasso, plus de cinquante artistes - de Niki de Saint-Phalle à Donald Judd - contribuent à un portfolio à la demande d'un critique autrichien, aucun ne s'inspire de son art. "On le respecte, mais on ne joue pas avec lui. Pour ça, il faudra attendre les années 1980", note Didier Ottinger.
Picasso.mania veut aussi montrer le peintre autrement, en présentant ses ?uvres comme il aimait à les disposer, côte à côte sur un mur. Un accrochage appliqué aux chefs d??uvre cubistes, mouvement dont Picasso est l'un des inventeurs.
Cette tentative de saisir un sujet sous différents angles et de fondre les points de vue en une seule image a fasciné le Britannique David Hockney. Dans les années 80, il assemble de manière légèrement décalée des images de Polaroïd. Un procédé qu'il va appliquer ensuite à la vidéo avec "Les Jongleurs", projetée sur 18 écrans.
Icône absolue "à l'origine de l'art moderne", "Les Demoiselles d'Avignon", qui ne quittent plus le Moma, ont suscité une descendance plus composite, des copies des "appropriationnistes" (Mike Bidlo, André Raffay) à Jeff Koons ("Antiquity") ou Sigmar Polke.
L'exposition tente aussi de cerner l'influence politique de "Guernica", à nouveau invoquée dans les années 1960 par des artistes comme Léon Golub à propos de la guerre du Vietnam.
Une période qui marque la sortie de Picasso de l'art contemporain au profit de Marcel Duchamp qui devient la référence. Leurs héritages respectifs vont devenir irréconciliables. Pour le pape de la nouvelle doxa, le critique américain Clément Greenberg, "l'art de Picasso a cessé d'être indispensable".
- "Duchampite aiguë" -
L'Américain Jasper Johns est le premier grand peintre à remettre en cause en 1985-86 cette "duchampite aiguë" avec "Les Quatre Saisons", exceptionnellement réunies, où foisonnent les références au peintre espagnol.
Le Pop art, qui refuse la séparation entre l'art et la culture de masse, s'approprie son image comme Roy Lichtentein avec une nature morte d'après Picasso. Mais l'Allemand Martin Kippenberger est sans doute celui qui a noué la relation la plus profonde avec son oeuvre. Une série de peintures de cet artiste provocateur sont inspirées par de célèbres photos de Picasso posant avantageusement en slip kangourou.
Dès lors, Picasso est à la fois le "précurseur" d'un retour à la peinture, à la subjectivité, à la libre facture, à l'inspiration des maîtres anciens, et l'inventeur d'une image people de l'artiste séducteur, assumant sa réussite financière, quant il ne la recherche pas.
Les peintures tardives d'Avignon vont devenir les références d'artistes comme Georges Baselitz, Julian Schnabel ou Jean-Michel Basquiat qui signe un portrait "Untitled (Pablo Picasso)".
Picassomania (7 octobre-29 février) a été produite par la Réunion des musées nationaux, le Centre Pompidou et le musée Picasso.
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