Mise en cause par la droite et des syndicats de police, Christiane Taubira a envisagé mardi de mieux encadrer les sorties de détenus, au lendemain d'une fusillade en Seine-Saint-Denis dans laquelle un policier a été grièvement blessé par un braqueur en cavale et fiché.
Le malfaiteur, connu pour des antécédents de vols à main armée et violences volontaires, a été tué. Le policier, un père de famille de 36 ans, était lui toujours mardi dans un état très grave, selon des sources concordantes.
La polémique avait enflé dès lundi sur le cas de ce détenu, en cavale depuis qu'il n'était pas rentré d'une permission accordée en mai pour effectuer des formalités administratives après le décès de son père. Des syndicats de policiers ont appelé la ministre de la Justice à rendre "des comptes". Le député Les Républicains Xavier Bertrand lui a aussi demandé de "s'expliquer sur ce qui a été fait depuis les derniers incidents de ce genre".
"J'ai commandé un examen précis" des textes de loi sur les sorties de prisonniers "pour savoir s'il y a lieu de les modifier de façon à permettre par exemple d'imposer systématiquement une escorte pour certains détenus, y compris pour ces motifs de maladie grave ou de formalité administrative suite à un décès", a répondu Christiane Taubira mardi à l'Assemblée nationale.
Elle a également commandé un "rapport précis sur ce qui s'est passé" et promis de ne se ranger "ni derrière la fatalité, ni derrière l'erreur d'autrui".
Membre de la brigade anticriminalité (BAC) de Saint-Denis, le policier a été blessé lundi à la tête et au cou lors d'un échange de coups de feu à l'Ile-Saint-Denis, alors qu'il pourchassait deux hommes qui venaient de braquer un entrepôt de bijoux à Saint-Ouen.
Un des malfaiteurs, lui aussi connu pour de nombreux faits de délinquance, s'était en effet rendu, mais l'autre avait ouvert le feu sur les policiers.
Selon la Chancellerie, cet homme était détenu depuis le 27 septembre 2011 (à la prison de Réau, en Seine-et-Marne) et sa fin de peine était fixée au 3 janvier 2018.
- "Tirer les leçons" -
Selon une autre source, proche de l'enquête, il avait "déjà bénéficié d'une permission au premier trimestre 2014 pour assister à l'enterrement d'un proche et il était revenu".
Mais le 27 mai, n'ayant pas réintégré la prison, il avait été déclaré en état d'évasion et un mandat de recherche avait été lancé.
Selon la source proche de l'enquête, une fiche S (sûreté de l?État) concernant "un individu en relation avec la mouvance islamiste radicale" avait également été émise par la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) peu après son évasion.
L'administration pénitentiaire a précisé qu'une "fiche" le concernant avait été établie dès 2014, "mais il ne s'agissait pas d'un signalement pour radicalisation". Il s'agissait alors, selon une autre source, d'un signalement "pour ses fréquentations: il cherchait à entrer en contact avec des détenus eux-mêmes fichés pour radicalisation".
La permission de sortie accordée à un multirécidiviste de ce profil a suscité des critiques virulentes des syndicats de police. "Lenteurs de la justice" et "décisions irraisonnées" pour le syndicat de commissaires SCSI-CFDT, "aberrant" pour Synergie-officiers, "intolérable" pour Alliance
Le Syndicat de la magistrature (gauche) a noté que ces commentaires émanaient de syndicats "généralement hostiles" aux permissions de sortie des détenus comme à Christiane Taubira, déplorant une "instrumentalisation" de ce fait divers.
Chez les politiques, Claude Bartolone, tête de liste socialiste aux régionales en Ile-de-France, a estimé qu'un gouvernement "digne de ce nom" avait la "responsabilité" de "tirer les leçons" de cet évènement. Il a aussi prôné un "tri" dans les fiches S pour savoir lesquelles concernent des personnes "véritablement dangereuses".
Nicolas Dupont-Aignan, président de Debout la France, a de nouveau demandé la démission de Christiane Taubira et la présidente du FN Marine Le Pen a réclamé que soit "votée en urgence l'interdiction de tout aménagement de peine () aux individus fichés S en période Vigipirate".
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