Crème, brun, rouge, elles ont fière allure, ces petites maisons HLM à peine achevées. A Saint-Thibault-des-Vignes, loin de l'intolérance et des clichés, on s'occupe de donner un toit à tous, y compris aux Français issus de la communauté du voyage.
"Jamais je n'ai été remercié comme aujourd'hui en allant visiter un logement", confie, visiblement ému, Gilles Sambussy, venu inaugurer la "Résidence de la solidarité" dans ce petit village de Seine-et-Marne, qui compte 6.346 habitants. "Ça fait plaisir."
Ce matin de septembre à l'air piquant, le directeur général de Trois Moulins Habitat, filiale du bailleur social Polylogis, a le sentiment du devoir accompli.
Après huit ans d'attente, vingt familles ont enfin pu emménager dans ces vingt maisons individuelles PLAI, le logement social le moins cher. Une petite révolution, puisque c'est leur premier toit, leur première maison "en dur", après une vie en caravane.
Johanna Pietri ouvre volontiers sa porte: elle vient d'emménager avec son mari et ses deux enfants de 15 mois et 4 ans, tout près de sa grand-mère, sa mère, sa s?ur, son oncle et sa tante.
"Mon fils dans la caravane, il n'avait pas autant d'espace. Maintenant, il a sa chambre, son espace à lui, il peut jouer. Au bout de huit ans, on n'y croyait plus", dit-elle, l'air sérieux.
"Pour aller chercher de l'eau, on marchait dans la boue, c'était dur", se souvient Marie Laurot, sa belle- s?ur. "On n'a plus peur de l'hiver", dit-elle.
Marie Winterstein la grand-mère aux yeux rieurs, ne regrette pas sa caravane: "Quand on vieillit, on voyage moins, on n'a plus la même vie."
"Mon mari est très content. Moi, je n'y croyais pas, j'ai dit: +Il ne viendra pas.+ Et au final, il a pris toutes les affaires, il les mettait dans la voiture en disant +Allez, dépêche-toi!+ En deux jours, il avait tout emmené", raconte-t-elle.
- La caravane, devant la maison -
Car ce changement de vie n'allait pas de soi: du dialogue - notamment via l'association La Rose des vents - et du temps ont été nécessaires. Pour ces familles, abandonner la caravane, symbole de liberté, du jour au lendemain, n'était pas imaginable: un emplacement lui est réservé.
"Même si elle ne bouge pas pendant 15 ans, elle est devant la maison. Ils ont l'impression que s'ils veulent repartir, ils le peuvent", explique M. Sambussy.
Aussi "au départ les familles ne voulaient pas entendre parler d'étage, ni de radiateurs: les poêles à bois sont restés longtemps dans les plans", dit en souriant l'architecte Yohann Van Vlaenderen.
Modulables, les maisons (du 3 au 5 pièces) peuvent accueillir une chambre de plus.
Des financements du département, de la région, de l?État et de l'Union européenne (Feder) ont permis de boucler le budget de 4 millions d'euros, soit 200.000 euros par maison.
"Il a fallu trouver un bailleur social qui veuille bien s'engager avec nous" car les clichés des "sédentaires" envers les gens du voyage ont la peau dure, dit Florence Hardy, directrice générale des services municipaux. "Avec Trois Moulins Habitat, on s'est battus côte à côte."
"Arriver au bout n'était pas facile: il faut lever des vieilles peurs", confirme M. Sambussy. "J'ai entendu: +Ce sont des gens sans foi ni loi, ils ne vont pas payer leur loyer.+ Nous ne sommes pas nombreux à lever la main pour faire du logement social pour les gens du voyage."
Pour la municipalité, il n'était pas question de faire "un ghetto": au total, 450 maisons seront construites, mêlant sédentaires et gens du voyage.
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nousA lire aussi
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nous
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.