Le raid aérien américain qui a tué 22 personnes à l'hôpital de Médecins sans Frontières (MSF) dans la ville afghane de Kunduz a été mené "à la demande" des forces afghanes, selon l'Otan lundi, une frappe qualifiée de "crime de guerre" par l'ONG.
L'armée afghane, acculée par les rebelles talibans, "a demandé un soutien aérien aux forces américaines" dans la nuit de vendredi à samedi, a déclaré le général américain John Campbell, patron de la mission de l'Otan dans le pays. Ces dernières ont alors déclenché une frappe aérienne.
L'assertion du haut gradé va à rebours des récits fournis jusque-là par l'Alliance atlantique, selon lesquels le bombardement visait à soutenir des soldats américains ciblés par les talibans.
MSF n'a d'ailleurs pas tardé à condamner les "contradictions" américaines. "Le récit (des Américains) sur l'attaque change sans cesse. Cela a d'abord été un dommage collatéral, puis un tragique incident et maintenant ils essayent de faire porter la responsabilité au gouvernement afghan", s'est indigné le directeur général de l'ONG, Christopher Stokes.
Le général Campbell n'a pas non plus indiqué quelle autorité avait autorisé l'avion américain à ouvrir le feu, ni pourquoi le bombardement n'avait pas été stoppé après les premiers messages d'alerte de MSF que son hôpital était bombardé.
La frappe a fait au moins 22 morts, 12 employés et 10 patients, et poussé MSF à retirer son personnel de Kunduz, un coup terrible pour la population civile prise dans les combats entre l'armée afghane et les talibans pour le contrôle de cette ville du nord afghan. C'est en effet le seul établissement de la région capable de soigner les blessures de guerre les plus graves.
Barack Obama a rapidement annoncé l'ouverture d'une enquête, dont il attend les résultats pour "porter un jugement définitif sur les circonstances de cette tragédie".
La Maison Blanche a assuré peu après par la voix de son porte-parole Josh Earnest que les résultats des enquêtes en cours ne seraient en aucun cas "étouffés".
Des explications jugées "insuffisantes" par Christopher Stokes, qui a appelé à une enquête "exhaustive et transparente" menée par un "organisme international indépendant".
- 'Crime de guerre' -
Toutefois, les Nations unies ne se sont pas montrées pressées de mener de telles investigations: "Il est encore tôt", a estimé le porte-parole de l'ONU Stéphane Dujarric. "Nous attendons de voir ce qui résulte des enquêtes officielles des Etats-Unis, de l'Otan et probablement du gouvernement afghan" avant d'aller éventuellement plus loin.
MSF rejette en bloc les justifications de responsables afghans, selon lesquelles des combattants talibans se trouvaient dans l'établissement et s'en servaient comme base.
"Ces déclarations impliquent que les forces afghanes et américaines aient décidé ensemble de raser un hôpital entièrement fonctionnel.() Cela équivaut à reconnaître qu'il s'agit d'un crime de guerre", a déclaré M. Stokes, en écho à l'ONU qui jugeait dès samedi que la frappe aérienne pourrait relever du "crime de guerre" si elle était jugée "délibérée par la justice".
L'ONG affirme avoir transmis préventivement les coordonnées GPS de son hôpital aux armées afghane et américaine. Or les bombardements se sont poursuivis "pendant plus de 45 minutes" après que l'ONG a averti ces armées que son établissement avait été touché par les premiers tirs.
En Afghanistan, les frappes aériennes de la coalition de l'Otan, qui compte encore 13.000 soldats dont 10.000 Américains, font l'objet d'une controverse quant aux "dommages collatéraux" qu'elles engendrent. Mais elles se sont avérées capitales dans le soutien apporté par l'Otan à l'armée afghane dans sa contre-offensive pour reprendre Kunduz aux talibans.
Les insurgés étaient parvenus à s'emparer de la ville en quelques heures seulement la semaine dernière, remportant ainsi leur plus grande victoire depuis la chute de leur régime en 2001 et infligeant un grave revers au président Ashraf Ghani.
Les forces afghanes ne leur ont opposé qu'une faible résistance, symptomatique des énormes difficultés qu'elles rencontrent pour contenir les combattants islamistes qui ont étendu leur insurrection aux régions du nord du pays.
Dans la nuit, des combattants talibans ont ainsi tenté de prendre Maïmana, la capitale de la province de Faryab, mais "ils ont été repoussés", a indiqué Abdul Sattar Barez, le gouverneur intérimaire.
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