La Russie a poursuivi vendredi ses raids en Syrie, révélant avoir frappé la veille pour la première fois le fief du groupe Etat islamique (EI), alors que Washington et ses alliés lui demandent d'arrêter de frapper d'autres formations opposées au régime de Bachar al-Assad.
Juste avant une rencontre entre les présidents russe, français et allemand à Paris, Moscou a annoncé avoir mené jeudi ses premières frappes sur la province de Raqa, la principale base du groupe ultra-radical.
Des bombardiers tactiques Soukhoï-34 y ont notamment visé "un poste de commandement" camouflé et "un camp d'entraînement" du groupe jihadiste, selon le ministère russe de la Défense.
Ces frappes ont tué au moins 12 jihadistes, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH). L'EI a annulé la prière du vendredi par peur des raids russes, ont ajouté des militants et cette ONG.
Selon un militant originaire de la ville, Abou Mohammad, "les habitants effrayés se terraient dans les caves ou chez eux. L'EI, pour sa part, a coupé l'électricité la nuit quand les avions russes survolaient la ville".
Vendredi, Moscou a mené d'autres frappes qui ont, elles, touché des zones dans la province d'Idleb (nord-ouest), où l'EI est absent mais où sont positionnés d'autres groupes rebelles, notamment le Front al-Nosra, branche syrienne d'Al-Qaïda, selon une source sécuritaire sur le terrain.
Les Russes, qui ont déployé plus de 50 avions et hélicoptères en Syrie, n'ont pas l'intention d'en rester là. Les raids vont durer "trois à quatre mois" et "s'intensifier", a déclaré vendredi le président de la Commission des Affaires étrangères de la Douma (chambre basse du Parlement russe), Alexeï Pouchkov.
La Russie, qui est un allié fidèle du président syrien Bachar al-Assad, est soupçonnée par les Occidentaux d'avoir pour cibles principales les groupes rebelles ayant infligé le plus de pertes au régime ces derniers mois, et non pas le groupe Etat islamique (EI), pour remettre en selle leur protégé.
Des pays occidentaux, arabes et la Turquie ont haussé le ton vendredi contre la Russie, critiquant une "nouvelle escalade" qui risque "d'attiser l'extrémisme et la radicalisation".
"Nous demandons instamment à la Fédération de Russie de mettre immédiatement fin à ses attaques contre l'opposition et la population civile syrienne et de concentrer ses efforts sur le combat contre Daech (acronyme arabe du groupe Etat islamique)", écrivent les gouvernements de ces pays dans une déclaration conjointe.
- 'Dictateur discrédité' -
Parmi les signataires figurent la France et l'Allemagne, dont les dirigeants François Hollande et Angela Merkel se sont entretenus à la mi-journée à Paris avec le président russe juste avant un sommet sur l'Ukraine.
Les discussions ont été "franches", selon la présidence française. François Hollande et Vladimir Poutine ont "essayé de rapprocher les points de vue sur la transition politique" en Syrie, a ajouté une source diplomatique.
Le président français, comme son homologue américain Barack Obama notamment, refuse d'inclure le président al-Assad dans une solution politique négociée en raison des exactions commises par son régime, au contraire de Moscou qui milite pour le maintien au pouvoir de son allié historique.
Parallèlement à son action militaire, la Russie a distribué au Conseil de sécurité de l'ONU un projet de résolution antiterroriste qui associerait Damas à une coalition internationale élargie contre les jihadistes.
La France, qui dispose d'un siège au Conseil de sécurité de l'ONU, cherche à "amender" ce texte. Il n'est "pas question de couvrir juridiquement une opération qui, sous couvert de lutter contre le terrorisme, chercherait en réalité le sauvetage desespéré d'un dictateur discrédité", a précisé au journal Le Monde le chef de la diplomatie française, Laurent Fabius.
De son côté, le gouvernement syrien s'est dit prêt vendredi à participer à des discussions préliminaires proposées par l'ONU afin de préparer une conférence de paix.
Depuis le début de l'insurrection en Syrie, brutalement réprimée par le régime, plus de 240.000 personnes sont mortes et des millions ont quitté leur domicile, occasionnant une crise migratoire majeure.
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