"Le monde du rugby aura sa chapelle bien à lui, pour veiller sur ses rudes gars et les protéger du mal!": la promesse de l'abbé Michel Devert a pris corps dans les Landes le 16 juillet 1967 avec Notre-Dame-du-Rugby, sanctuaire dédié aux "grands enfants" de l'ovalie célèbre dans le monde entier.
C'est dans un petit village landais, Larrivière-Saint-Savin, que la chapelle fut reconstruite sur les ruines d'un oratoire du XIe siècle laissé à l'abandon.
Pour financer les travaux, l'abbé Devert, infatigable militant de la cause du ballon ovale, avait non seulement mis à contribution son évêque mais également le ministre des Sports de l'époque, l'alpiniste Maurice Herzog, la Fédération Française de Rugby (FFR) et les élus locaux.
L'idée de ce sanctuaire avait germé trois ans plus tôt, après la mort accidentelle, le 10 septembre 1964, de trois joueurs de l'US Dax: Jean Othats, Emile Carrère et Raymond Albaladejo, frère de Pierre, autre célèbre "Bala" du XV tricolore.
"Pourquoi ne pas ouvrir un oratoire où la prière de tous les jours s'élève pour ceux qui ne sont plus et pour protéger ceux qui restent?", s'était dit le bouillonnant abbé, élevé au rang d'évêque avant sa mort en 2012. Voué corps et âme à Dieu et au rugby, il repose aujourd'hui dans le cimetière de sa chapelle.
Perchés sur une butte dominant la vallée de l'Adour, Notre-Dame-du-Rugby et son musée sont dédiés "à tous les rugbymen de la terre, connus ou pas connus, vivants ou morts", explique Jean-Marie Berges, secrétaire de l'association Notre-Dame-du-Rugby, en guidant l'AFP pour une visite du sanctuaire.
Il pointe du doigt quatre vitraux aussi contemporains que baroques. Une "Vierge à la touche", inspirée des dessins de l'ex capitaine montois Pierre Lisse, représente une madone remettant la balle en jeu. A côté, la "Vierge à la mêlée" montre un petit Jésus au-dessus du pack, tendant la balle à Marie, entourée de la fougère néo-zélandaise, du springbok sud-africain et du kangourou australien.
- Maillots et cravates -
Sous la "Vierge au joueur blessé", en forme de pieta stylisée, M. Berges désigne le maillot de son fils Laurent, joueur du Racing Club Linxois (Landes), mort à l'entraînement à l'âge de 23 ans.
Et sous la "Vierge aux Pèlerins", le portrait d'André Labeyrie, joueur landais et résistant, mort en 1943 dans le camp d'Oranienbourg (Brandebourg), témoigne que "les rugbymen sont aussi morts pour la France", rappelle M. Berges
Christian Darrouy, coéquipier du célèbre tandem montois formé par les frères Boniface, Guy (tué accidentellement sur une route landaise le 1er janvier 1968) et André, accompagne la visite. "Il fallait un lieu de mémoire comme celui-ci pour que ceux qui ont eu un pépin à cause du rugby trouvent du réconfort dans le monde du rugby", chuchote l'ex capitaine du XV tricolore, auteur de 23 essais en une décennie (1957-1967), et vainqueur du Tournoi des Cinq nations en 1959 et 1967.
Comme Christian Darrouy, ses "copains" Benoît Dauga, Serge Blanco et Pierre Alabaladejo sont des habitués des "lundis de Pentecôte à Notre-Dame-du-Rugby" où se dit l'unique messe de l'année.
En 2011, le sanctuaire s'est enrichi d'un musée où Morgan Bignet, "gardien du temple", conserve comme des reliques 420 maillots, encore tachés de sueur et de sang, dont certains endossés par des stars internationales. Ainsi que des dizaines de cravates portant les blasons des clubs universitaires des deux hémisphères.
Visiteur inattendu croisé au retour de la visite, Kevin Silbert arrive de Melbourne (Australie) pour voir ce sanctuaire connu jusqu'aux antipodes. Son père, Eric Silbert, "fut le capitaine de l'équipe du contingent australien de la Royal Air Force (basé en Angleterre) en 1943 et 1944". Et l'un de ses cousins "celui de l'équipe de la Western Australia à Perth, dans les années 60 et 70".
Kevin, lui, a opté pour le hockey, sur les conseils de son père. "Il m'a dit: +pour toi, surtout pas de rugby, tu es trop petit, tu vas te faire tuer!+".
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